Actualité
Appels à contributions
Oui, non, peut-être… Images et imaginaires du référendum de 1995

Oui, non, peut-être… Images et imaginaires du référendum de 1995

Publié le par Eloïse Bidegorry (Source : Francis Langevin)

Oui, non, peut-être…
Images et imaginaires du référendum de 1995
30-31 octobre 2025, Québec
Colloque


Au soir du 30 octobre 1995, des flots d’images crèvent l’écran : des marguerites, des symboles de la paix, du bleu… beaucoup de bleu et d’espoir. Puis, à la suite de l’annonce des résultats, les plus serrés de l’histoire des référendums, la dévastation pour les uns, le soulagement pour les autres, et puis, la renaissance immédiate, soudaine et affreuse du spectre de la xénophobie et de l’exclusion dans ce pays rêvé du Québec. Depuis, « L’argent et les votes ethniques » semblent occuper tout l’espace symbolique. Ce souvenir est-il devenu à ce point infréquentable qu’il est effacé de la mémoire collective? Dans Sleeping Dogs. Québec and the Stabilization of Canadian Federalism after 1995 (UofTPress, 2024) Andrew McDougall parle de la question québécoise comme d’un nouveau tabou, alors qu’elle se serait rapidement “stabilisée” après 1995. Pourquoi l’enjeu du référendum, la souveraineté, a-t-il fait place dans l’imaginaire collectif à une chaine de discours négatifs - la reprise ad nauseam de la malheureuse phrase de Jacques Parizeau, le scandale des commandites, la dérision du « Love In » des Canadians…? Presque oublié aussi le déclencheur du référendum de 1995 : le rejet de l’Accord du Lac Meech le 23 juin 1990. Si le référendum de 1995 est absent du film 1995 de Ricardo Trogi, est-ce parce que cette année-là n’est désormais qu’une métonymie pour « l’année du dernier référendum » qui recouvre différents affects qu’il est préférable de taire… pour l’instant? De même, l’absence remarquable de ce marqueur temporel et identitaire dans la nouvelle exposition du Musée de la civilisation, Le Québec, autrement dit, ne fait que problématiser davantage cet oubli dans ce « plébiscite de tous les jours » pour la cohésion nationale (Renan).

Si l’issue du référendum de 1980 charriait ses propres représentations emblématiques, comme la guerre des drapeaux sur les terrains privés, le père qui pleure en tenant son bébé lors de l’annonce des résultats du vote, ou encore son apparition dans les fictions comme le film C.R.A.Z.Y. (2005), c’est la sortie vibrante et émue de René Lévesque « À la prochaine fois! » qui résonne encore dans l’imaginaire collectif.

Cependant, il y a 30 ans se jouait l’avenir politique du Québec.

Il y a 30 ans s’écrivait une page d’histoire, une page qui fut, dirait-on, rapidement tournée.

Qu’en est-il de l’imaginaire de l’automne 1995? Alors que le regroupement des « Artistes pour la souveraineté » au Forum de Montréal en septembre 1995 avait galvanisé l’adhésion des jeunes à la cause du « Oui », c’est le « Non » de novembre qui l’a emporté, marqué par le désenchantement des artistes qui, comme Paul Piché, se sont alors tournés vers d’autres formes d’engagement militant, notamment autour des questions environnementales ou altermondialistes. En témoigne le thème de la série de colloques régionaux organisés dans les cégeps en 2005 par le Conseil de la souveraineté pour commémorer les référendums de 1980 et de 1995 : «Mondialisation, démocratie et souveraineté ».

« Faire image », c’est condenser un nombre restreint de représentations médiatiques (photo, vidéo, slogan, caricature, chanson, etc.) en une suite événementielle dont l’impact émotionnel, cognitif, idéologique se retrouve lui-aussi condensé, en quelque sorte traduit afin d’être transmis. Parler de ces représentations, en redéployer l’étendue pour en observer les configurations, c’est observer la place qu’occupent ces fragments, artéfacts potentiels de la mémoire collective, dans les croyances, les valeurs et les récits qui forment notre horizon historique actuel.

De l’image à l’imaginaire, il y a donc deux opérations en sens inverse: l’une, qui concentre l’expérience dans une représentation qui acquiert la fonction de symbole, et l’autre, qui déplie le symbole et qui l’interprète, le fait résonner, l’observe, le questionne, le consolide ou le déboulonne.

Quelles sont les images de 1995? Que représentent-elles – espoir, jeunesse, perte, combat, honte collective, soulagement? -où les trouve-t-on? Où sont-elles condensées, déployées ou oblitérées et comment ces opérations de mémorialisation, de cristallisation ou d’effacement se déroulent-elles? À quel type d’activité mémorielle « 1995 » donne-t-elle lieu? De quelle manière les images de 1995 se comparent-elles avec celles d’autres suites événementielles comparables?

Est-il juste de penser que 1995 ne reçoit pas la même attention que d’autres séquences événementielles marquantes dans le récit national québécois – à la fois sur les plans de la recherche universitaire, des curriculums d’enseignement de l’histoire, des mises en fiction littéraires et cinématographiques, documentaires ou fictionnelles?
Bien entendu cette question peut être posée depuis le Québec métropolitain mais qu’arrive-t-il lorsqu’on s’intéresse aux images qui circulent en dehors des circuits discursifs « restreints »? Que voit-on lorsque le point d’observation et d’analyse se déplace ailleurs au Canada, ou bien encore chez d’autres nations aspirant à des formes de souveraineté?

Ce colloque s'inscrit dans un contexte plus large visant à mieux documenter, analyser et comprendre les dynamiques sociohistoriques qui entourent le référendum de 1995 – en incluant des pays comme les États-Unis, la France et la Grande-Bretagne et des nations aspirant à l'indépendance telles que l'Irlande, l'Écosse et la Catalogne. En effet, ces moments d’exercice démocratique particulièrement climaciques sont évidemment inscrits dans les médiations discursives de divers types : littéraires, artistiques, journalistiques et autres, qui ne manquent pas d’être lues depuis d’autres luttes, d’autres enjeux, d’autres récits collectifs; ce contexte d'échanges d'idées nous semble riche de perspectives de lecture « externes » sur le référendum de 1995. Quelles étaient les interprétations faites depuis les « causes » étrangères ou locales (on pense entre autres aux revendications autochtones canadiennes) qui regardaient attentivement la possibilité que le Québec se détache du fédéralisme canadien? Des représentations canadiennes pour le « Oui » ou pour le « Non » méritent d'être mises en relation avec la presse internationale, afin de révéler des thématiques communes telles que les révoltes d’émancipation nationale, les mouvements anticoloniaux, féministes, antiracistes ou anticapitalistes, les différents visages de la xénophobie, ou encore les luttes menées autour de la lutte contre le VIH/SIDA.

Il s’agit en somme de s’éloigner de la présentation strictement descriptive du référendum de 1995, de ses causes et de ses conséquences et de privilégier une exploration et une exposition de la construction de l’imaginaire autour de 1995.

Thématiques proposées :
Nous encourageons les contributions qui abordent ces questions sous divers angles, notamment à travers des méthodes sociohistoriques, littéraires, et sémiotiques.

Transmission de l'histoire et du récit national québécois

  • Analyse de l'absence et de l'oubli de la référence au référendum de 1995 dans les curriculums, les musées et les espaces médiatiques.
  • Analyse de la présence et de l'absence du référendum de 1995 dans les œuvres médiatiques : bande dessinée, cinéma, théâtre, poésie, roman, téléromans, chroniques des journaux et des magazines, caricatures, émissions d’humour et d’affaires publiques télévisuelles et radiophoniques.

Représentations artistiques et culturelles

  • Analyse des caricatures et de leur impact sur la perception du référendum de 1995, y compris leur utilisation comme outils pédagogiques pour la médiation culturelle.
  • Esthétique des manifestations (iconographie, pancartes) et leur évolution après le référendum.
  • Quelles représentations artistiques existent dans le ROC et comment se positionnent-elles par rapport au référendum de 1995?
  • Analyse des lieux investis, comme la Place du Canada, et de l'art de la formule et de l'image.

Genre et mobilisation sociale

  • La place des femmes dans le référendum de 1995 et leur rôle en tant que contre-pied aux Pères de la Confédération canadienne.
  • Analyse des représentations de 1995 à travers le prisme du militantisme, notamment du féminisme, du progressisme et du syndicalisme (ex. : l’Opération Porte-Voix, SouveReines, la marche « Du pain et des roses »).

Médias et Communication

  • Analyse visuelle des campagnes publicitaires des deux camps (OUI et NON) et des oppositions entre représentations artistiques et corporatistes.
  • La naissance et le rôle des médias alternatifs pendant la période du référendum.

Contexte historique et international

  • Comparaison des représentations du Québec de 1995 dans différents contextes nationaux et postures internationales (au-delà des positions gouvernementales, ex. : Clinton).
    Analyse de la souveraineté et des questions autochtones en 1995, cinq ans après la Crise d'Oka.

Mémoire et oubli

  • Quelle est la place des morts et des grands disparus dans le récit du référendum (ex. : Godin décédé un an plus tôt)?
  • Analyse de l'absence de représentation fictionnelle du référendum par rapport aux événements d'Octobre 1970 ou de 1980.


Date: 30-31 octobre 2025
Lieu : dans la ville de Québec (lieu à confirmer)

Comité organisateur:
Anne Trépanier, Carleton University
Francis Langevin, The University of British Columbia
Anne Caumartin, Collège militaire royal de Saint-Jean
Dominic Hardy, Université du Québec à Montréal – LAB-A

Soumission des propositions :
Les propositions de communications (300 mots maximum) accompagnées d’une courte biographie doivent être envoyées avant le 15 février 2025 en remplissant ce formulaire
Les communications sélectionnées seront présentées lors du colloque, et nous prévoyons également la publication d’actes de colloque.

 


Source de l'image: Aislin, 1995. Musée McCord (M997.53.221). Tous droits réservés, usage non-commercial autorisé