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Madame Gervaisais d’Edmond et Jules de Goncourt (Sorbonne Nouvelle)

Madame Gervaisais d’Edmond et Jules de Goncourt (Sorbonne Nouvelle)

Publié le par Marc Escola (Source : Verane Partensky)

Appel à communications

Journée d’études : « Madame Gervaisais d’Edmond et Jules de Goncourt"

Sorbonne nouvelle – CRP19 – Société des amis d’Edmond et Jules de Goncourt

Mardi 20 mai 2025

Journée organisée par Basile Pallas et Vérane Partensky

Dernier roman écrit à quatre mains par les frères Goncourt, Madame Gervaisais (1869), histoire de la conversion au catholicisme d’une libre-penseuse qui sombre peu à peu dans les excès mortifères d’une dévotion bigote, demande à être revisité aujourd’hui, par exemple à la lumière des réflexions récentes sur la question de la religion. Bien que cette œuvre ait suscité des commentaires déjà nombreux, il reste beaucoup à dire sur un roman qui croise des thèmes nombreux et particulièrement riches. Outre l’édition critique proposée en 2013 par Friedrich Wolfzettel chez Champion, le roman a donné lieu à quelques études marquantes (voir ci-dessous) qui soulignent sa richesse ; la journée d’étude qui lui est consacrée vise donc à renouveler et à approfondir la lecture d’une œuvre marquée par l’anticléricalisme des deux frères – selon Barbey d’Aurevilly, « jamais il ne fut livre où l' idée catholique ait été plus réellement visée et atteinte » – et par l’identification de la mystique et de la névrose, mais qui apparaît comme d’une extrême richesse tant thématique que formelle. Zola, qui s’en inspira pour La Conquête de Plassans, avait été sensible à l’extrême raréfaction narrative de Madame Gervaisais : « Il n'y a plus de roman proprement dit. Il y a une étude de femme, d'un certain tempérament, mis, dans un certain milieu. Cela a la liberté et la simplicité d'une enquête scientifique rédigée par un artiste » (Les Romanciers naturalistes).

Ancré dans les souvenirs d’un voyage de jeunesse des Goncourt en Italie et d’un séjour à Rome en 1867, Madame Gervaisais est un roman largement descriptif qui invite à une réflexion sur les valeurs liées à l’Antiquité, sur la représentation de la ville sainte et de son ambiance mortifère, sur la place et la fonction de l’art baroque et sur la vision de l’histoire de l’art que proposent les Goncourt  ainsi que sur les modalités d’une écriture artiste, marquée par une esthétique du clair-obscur. L’héroïne du roman, femme de 40 ans, intelligente, cultivée, héritière des Lumières, proche à bien des égards de Mme de Staël, mais renonçant progressivement à la raison pour la religion et se soumettant aveuglement à un clergé obscurantiste mérite également une étude approfondie : le texte des Goncourt orchestre en effet une réflexion sur l’héritage des Lumières au XIXème siècle et sur les affinités, maladives, de la femme et de la mystique, mettant ainsi en scène le conflit entre la raison et la sensitivité et l’articulation entre sensibilité esthétique et pathologie. Notons que le roman réserve un traitement inédit à la question de l’amour maternel qui constitue un thème majeur de l’œuvre et ouvre sur la problématique, plus importante chez les Goncourt qu’il n’y paraît au premier abord, de l’enfance et de la famille. Enfin Madame Gervaisais aborde des questions sociales importantes : on pourra ainsi envisager la mise en scène de l’emprise et de la domination psychologique, la question de la femme célibataire, les problèmes de la liberté religieuse, de l’indépendance de l’individu, des hiérarchies sociales et des instances de légitimation intellectuelles.

Sur le plan de l’esthétique romanesque, Madame Gervaisais offre également un terrain d’investigation intéressant, qu’il s’agisse du régime descriptif dans une œuvre qui sacrifie largement à l’ekphrasis et se place volontiers sous le signe d’une inflation des images, de l’écriture artiste dont Edmond donnera la formule dans Les Frères Zemganno, de la raréfaction narrative, du lyrisme ou de l’ironie. La genèse du roman, fruit d’une longue maturation depuis le premier voyage en Italie des Goncourt en 1855-1856, et la mise en lumière de ses sources, initiée par Marc Fumaroli, appelle également une étude approfondie.

Pistes bibliographiques

Edmond et Jules de Goncourt, Madame Gervaisais, édition présentée, établie et annotée par Marc Fumaroli, Paris, Gallimard, coll. Folio, 1982

Edmond et Jules de Goncourt, Madame Gervaisais, édition critique par Friedrich Wolfzettel, Œuvres complètes des frères Goncourt, I, Œuvres romanesques, t.VII, Paris, Champion, 2013.

Apter, Emily, « Mystical Pathography: A Case of Maso-fetishism in the Goncourts' Madame Gervaisais », Feminizing the Fetish. Psychoanalysis and Narrative Obsession in Turn-of-the Century France, Cornell University Press, 2018, p.124-146

Nicolas Bourguinat, « Madame Gervaisais, l’Empire et la campagne ultramontaine de 1851-1853 », Cahiers Edmond et Jules de Goncourt, 2015, Vol.1 (22), p.59-71

Yves Bruley, « La romanité catholique au XIXe siècle : un itinéraire romain dans la littérature française », Histoire, économie & société / Année 2002 / 21-1 / pp. 59-70

Jean-Louis Cabanès, Le corps et la maladie dans les récits réalistes (1856-1893), diff. Klincksieck, 1991

Claudia Maria Carlos, « Le "style artiste" et l’illusion du réel dans Madame Gervaisais », Cahiers naturalistes, 2003, n° 77, pp. 97-104

Françoise Coulont-Henderson, « Sang, mort et morbidite dans Madame Gervaisais d'Edmond et Jules de Goncourt », Nineteenth-century French Studies, 1986-04, Vol.14 (3/4), p.295-302

Jacques Dubois, « Madame Gervaisais et La Conquête de Plassans : deux destinées parallèles, deux comportements qui s’opposent », Les Cahiers naturalistes, n° 24-25, 1963, p. 83-89

Marc Fumaroli, « Des Carnets au roman : l’ironie esthétique des Goncourt dans Madame Gervaisais », Romans d'archives, Raymonde Debray-Genette et Jacques Neefs dir., [Villeneuve d'Ascq] : Presses Universitaires de Lille, 1987.

Emmanuel Godo, « Pathologie de la conversion. Madame Gervaisais des Goncourt », in La Conversion religieuse, Paris, Imago, 2000, p. 137-172.

 Jean-Pierre Guillerm, « Labra Mortis : J. & E. de Goncourt : Madame Gervaisais », in Vieille Rome. Stendhal, Goncourt, Taine, Zola et La Rome antique, Paris, Presses universitaires du Septentrion, 1998

Lola Kheyar Stibler, « L’écriture du ravissement dans Soeur Philomène (1861), Germinie Lacerteux (1865) et Madame Gervaisais (1869) », Cahiers Edmond et Jules de Goncourt, 2015, Vol.1 (22), p.101-115

Élisabeth Launay, « Des notes sur l’Italie (1855-1856) à Madame Gervaisais (1869) éléments pour une étude génétique », Les frères Goncourt. Art et écriture, Sous la direction de Jean-Louis Cabanès, Presses universitaires de Bordeaux, 1998

Dominique Mabin, « Madame Gervaisais, étude de personnalité », Cahiers Edmond et Jules de Goncourt, 2004, Vol.1 (11), p.213-224

Martine Mathieu, « De la métaphore à l’allégorie dans Madame Gervaisais : écriture de la transfiguration et pétrification de l’écriture », Les frères Goncourt. Art et écriture, Sous la direction de Jean-Louis Cabanès, Presses universitaires de Bordeaux, 1998

Cristina Mazzoni, « Mystical languages of Illness : Naturalism in France and Italia », Saint Hysteria: Neurosis, Mysticism, and Gender in European Culture, Ithaca/London, Cornell University Press, 1996.

Jean-François Perrin, « Des tensions historiques comme subjectivité en crise: Madame Gervaisais (Edmond et Jules de Goncourt) », Poétique, 2023-04, n° 193 (1), p.83-102

Vérane Partensky, « Idolâtries : une théorie paradoxale de l'image », Cahiers Edmond et Jules de Goncourt / Année 2004 / 11 / pp. 121-143

Éléonore Reverzy, « La passion religieuse : Les Goncourt, Zola et la question anticléricale », Romantisme, 2000, Vol.30 (107), p.59-70

Émilie Serminadiras, « Grandeur et folie de la religion : la représentation de la dévotion féminine de Soeur Philomène à Madame Gervaisais », Cahiers Edmond et Jules de Goncourt, 2015, Vol.1 (22), p.85-99

Émilie Serminadiras, Croire et Souffrir. Religion et pathologie dans le roman de la seconde moitié du XIXe siècle, Paris, Classiques Garnier, 2021

Maria Watroba, « Madame Gervaisais, roman hystérique ou mystique ? », Nineteenth-century French Studies, 1996, Vol.25 (1-2), p.154-166

Les propositions de communication sont à adresser à Basile Pallas (basile.pallas@gmail.com) ou à Vérane Partensky (verane.partensky@u-bordeaux-montaigne.fr) avant le 15 janvier 2025.