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Dévotion et Réformes. Relectures et réécritures spirituelles féminines, XVe-XVIIe s. (Rouen)

Dévotion et Réformes. Relectures et réécritures spirituelles féminines, XVe-XVIIe s. (Rouen)

Publié le par Marc Escola (Source : Tony Gheeraert)

Lieu : Université de Rouen, Maison de l'Université, place Emile Blondel, 76 130 Mont-Saint-Aignan

Date : vendredi 10 octobre 2025

Organisation : Tony Gheeraert et Hubert Heckmann (CEREdI, Université de Rouen)

Comité scientifique : Christian Belin, Geneviève Hasenohr, Simon Icard, Jean-Marie Le Gall, Hélène Michon, Sandra Provini, François Roudaut, Daniella J. Kostroun, Agnès Cousson.

Les propositions de communication (environ 300 mots), accompagnées d’une courte biobibliographie, devront être envoyées avant le 12 mai 2025.

Appel à communications 

Nos habitudes en matière de découpage chronologique et nos concepts historiographiques usuels (réformes monastiques, Pré-Réforme, Réforme, Contre-Réforme…) nous empêchent peut-être de saisir une continuité dans les appels à la réforme, de l’ère gothique à l’âge baroque. La littérature de dévotion en langue française, dont la diffusion s’est accélérée à la fin du Moyen Âge notamment grâce à l’imprimerie, reflète et exprime une urgence de la réforme à laquelle elle répond aussi, en théorie comme en pratique, jusqu’au xviie siècle. Cette urgence de la réforme a été ressentie sans discontinuer par les auteurs spirituels et leurs lecteurs des deux sexes, quels que soient leur condition, leur état ou leur appartenance confessionnelle : les œuvres de littérature de dévotion invitent d’abord à la réforme personnelle, mais c’est la pierre d’attente d’une réforme de l’Église (réformes monastiques du xve s., réformes protestantes et catholiques aux xvie-xviie s.), elle-même corrélée à une réforme sociale, à une réforme du monde.

Toutes les tentatives de réforme appellent à la restauration d’un ordre corrompu par les abus du présent, et donc à un retour aux sources. Cela implique une relecture, une réinterprétation, une réécriture de textes du passé : la littérature de dévotion propose un retour à la tradition méditative biblique (lectio divina), une relecture des Pères de l’Église et particulièrement d’Augustin, ainsi que des auteurs spirituels médiévaux (Anselme, Bernard, la devotio moderna...), et ce faisant, bien souvent, elle innove, selon le paradoxe de la fidélité créatrice.

Dans la seconde moitié du xve siècle, une littérature de dévotion en langue française écrite à l’intention des religieuses émerge, tandis que celle destinée aux grandes dames laïques continue à se développer. Certains textes tracent à l’intention de la religieuse un parcours de méditation la pressant de se réformer elle-même méthodiquement, suivant le mouvement de réforme de son ordre. Les grandes figures de réformatrices, qui sont avant tout des femmes d’action, n’ont pas forcément laissé de textes : Colette de Corbie ne savait peut-être pas écrire, mais elle a inspiré plusieurs écrits ; Jeanne de France n’a pas d’œuvre en dehors de son ordre, l’Annonciade, mais son patronage spirituel est sensible notamment chez Catherine d’Amboise, dont les œuvres complètes ont été récemment éditées. L’aspiration à la réforme marque la spiritualité féminine au-delà des seuls ordres monastiques et trouve un écho dans les œuvres de Marguerite de Navarre ou, plus largement, dans la participation des femmes à l’action des Évangéliques, qui s’adressent de manière privilégiée à un lectorat féminin dans les années 1520-1530. Pour sa part, la littérature spirituelle protestante se distingue d’abord en prenant tous les chrétiens pour destinataires, ce qui interdit de s’adresser spécifiquement aux femmes, mais cela n’empêche pas la noblesse féminine protestante de servir de caution, de relais et d’inspiratrice directe de la littérature de piété – comme c’est le cas du côté catholique pour l’humanisme dévot. Dans le sillage de la reprise en main qui suit le concile de Trente, le début du xviie siècle est marqué par un renouveau monastique où les femmes occupent un rôle essentiel : fondatrices d’ordres, comme la Mère de Chantal, ou « réformataires » (Bérulle) comme mère Angélique Arnauld proposent une voie de réforme qui encourage les religieuses à une pratique personnelle de la prière et de la méditation, comme en témoignent par exemple à Port-Royal le Chapelet secret de mère Agnès, expression d’un mysticisme aussitôt sujet à controverse, ou les Occupations intérieures avec lesquelles dialoguera indirectement Pierre Nicole quand il rédigera son Traité de l'oraison.

Nous examinerons des œuvres de littérature de dévotion, écrites entre le xve et le xviie s. pour la méditation des femmes, qu’elles aient été rédigées ou commandées par des femmes, ou simplement écrites à leur intention, et nous tenterons de mettre en évidence le travail de relecture et de réécriture de textes sources, propre aux processus de réforme. Nous nous interrogerons sur les spécificités de la lecture, de la méditation et de l’interprétation dans le contexte de la réforme de communautés féminines, ou d’un lectorat féminin réformé, ou concerné par les réformes : quels intertextes sont sollicités, quels modèles sont proposés ? Quelles pratiques de lecture, de méditation, d’interprétation ? Quelles conceptions du savoir livresque et de la sainteté, dont les rapports sont souvent problématiques ?

Bibliographie

Belin Christian, La Conversation intérieure. La méditation en France au xviie siècle, Paris, Honoré Champion, 2019.

Ferrer Véronique, Exercices de l’âme fidèle. La littérature de piété en prose dans le milieu réformé francophone (1524-1685), Genève, Droz, 2014.

Garnier Isabelle, L’Épithète et la connivence : écriture concertée chez les Évangéliques français (1523-1534), Genève, Droz, 2005.

Hasenohr Geneviève, « Aspects de la littérature de spiritualité en langue française (1480-1520) », Revue d'histoire de l'Église de France, t. 77, n° 198, 1991, p. 29-45.

Icard Simon, Port-Royal et saint Bernard de Clairvaux, Paris, Champion, 2010.

Le Gall Jean Marie, Les moines au temps des réformes : France, 1480-1560, Seyssel, Champ Vallon, 2001.

Passot-Mannooretonil Agnès, Poètes et pédagogues de la Réforme catholique, Paris, Classiques Garnier, 2019.

Port-Royal et la vie monastique, Chroniques de Port-Royal, n° 37, 1997 [en ligne : https://www.amisdeportroyal.org/societe/index.php/2016/03/21/37-1997-port-royal-et-la-vie-monastique/].