
Webinaire de recherche « Circulations théâtrales : le rôle des agentes »
Nous avons le plaisir de vous annoncer le lancement du webinaire mensuel « Circulations théâtrales : le rôle des agentes », le vendredi 21 mars à 14h, sur BBB. La séance introductive, animée par Corinne François-Denève et Nicolas Diassinous, posera le cadre de ce chantier de recherche, présentera le calendrier de ce semestre de l’année 2025 et permettra la rencontre des collègues souhaitant, d’une manière ou d’une autre, collaborer à ce groupe. Les séances seront enregistrées et archivées.
Le webinaire est accessible à toutes et à tous, aux chercheurs et aux chercheuses, aux étudiantes et aux étudiants, aux curieux et aux curieuses, aux amies et aux amis, que vous souhaitiez rejoindre le groupe de recherche ou simplement écouter les conférences.
L’argumentaire de ce webinaire figure en bas de cette annonce.
Programme printemps-été 2025
Vendredi 21 mars 2025, 14h-16h – Corinne François-Denève (Université de Bourgogne-Europe) & Nicolas Diassinous (Université d’Avignon)
« Au-delà du transfert : des femmes invisibles ? »
Vendredi 25 avril 2025, 14h-16h – Nathalie Coutelet (Université Paris 8)
« Un réseau artistique féminin international : le Lyceum »
Vendredi 23 mai 2025, 14h-16h – Flavia Hiroki (Université de Besançon)
« Entre Paris et Rio de Janeiro : les personnages théâtraux féminins de Júlia Lopes de Almeida (1862-1934), influences théâtrales françaises et construction d’une identité brésilienne dans la Première République au Brésil (1889-1930) »
Vendredi 13 juin 2025, 14h-16h – Hélène Marquié (Université Paris 8)
« Danseuses dans des espaces mondains (1871-1914) : promouvoir la danse et accéder à de nouvelles fonctions »
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Programme de la séance du Vendredi 21 mars 2025
« Au-delà du transfert : des femmes invisibles ? »
Cette première séance se propose de poser le cadre de ce webinaire, tel qu’il a été pensé par les organisateur-ice. Si la question des transferts culturels a été interrogée depuis longtemps, en particulier en littérature comparée, l’idée n’a pas toujours été de mettre en avant les personnes qui les ont portés. Nous voudrions nous intéresser ici au spectacle, conçu dans son sens le plus large (théâtre, danse, cirque, cabaret, etc.). Il s’agira bien de remettre à leur juste place les femmes, traductrices, actrices, critiques, autrices, directrices de théâtre, décoratrices…, qui, de ou vers la France, ont initié le transfert de répertoires ou de styles de jeu.
« Passeuses », « agentes », « médiatrices », « intercesseuses », « truchements »… Ces femmes ont secondé une circulation dans le champ théâtral. En guise d’introduction, il s’agira ici d’aborder les modèles canoniques de Germaine de Staël et de George Sand, mais aussi de se pencher sur d’autres « agentes » moins visibles. On évoquera ainsi Juliette Adam et madame Aubernon, dont les salons ont accueilli le théâtre scandinave, à la fin du XIXe siècle. Pauline Ahlberg, autrice du premier article français sur le drame moderne d’Henrik Ibsen sera également évoquée. Le « cas Yorska » permettra de revenir sur la figure de cette actrice, qui a fondé le théâtre français de New York.
Cette séance d’introduction sera ainsi l’occasion de réfléchir à des pistes épistémologiques et méthodologiques. S’agit-il de mettre en avant des réseaux, plus ou moins structurés ? des individualités, isolées ? des lieux, publics ou privés ? des objets, dont la matérialité échappe parfois, quand il s’agit de styles de jeux ? Il sera également question du silence des archives.
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Les organisateur-ice
Nicolas Diassinous (ICTT et CIELAM) est spécialiste de théâtre et enseigne actuellement à l’Université d’Avignon. Il a soutenu une thèse de doctorat à l’Université d’Aix-Marseille, thèse publiée sous le titre Crise de scène. Dramaturgies poétiques du romantisme au symbolisme (Honoré Champion, 2024). Ses recherches et ses travaux portent principalement sur les théâtres des XIXe, XXe et XXIe siècles, en particulier sur les dramaturgies européennes du XIXe et leurs circulations, et sur les questions d’intergénéricité, de transmédialité et de métathéâtralité.
Corinne François-Denève (CPTC) est professeure des universités en littérature française contemporaine à l’Université de Dijon. Ses domaines de recherche sont les études théâtrales et actorales, vue au prisme du genre. Elle a ainsi dirigé des collectifs sur Vivien Leigh, Gérard Philipe et Maria Casarès, et Jacqueline Maillan. Elle est également traductrice du suédois et du norvégien et directrice de compagnies théâtrales et, à ce titre, s’emploie à visibiliser le « matrimoine » scandinave du temps de Strindberg et Ibsen.
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Contacts :
Corinne François-Denève : corinne.francois@u-bourgogne.fr
Nicolas Diassinous : nicolas.diassinous@univ-avignon.fr
Connexion :
Pour participer à l’événement, vous pouvez vous connecter sur le lien suivant :
https://bbb.univ-avignon.fr/rooms/txo-fyd-5sy-ntg/join
Circulations théâtrales : le rôle des agentes
Webinaire proposé par Nicolas Diassinous (Université d’Avignon) et Corinne François-Denève (Université de Bourgogne)
Ce webinaire s’inscrit dans la droite ligne des études menées sur le « travail théâtral au féminin », « l’histoire des femmes au théâtre », ou le « matrimoine » théâtral depuis un certain nombre d’années. Si les actrices (Évain 2001, Riedler 2022), les autrices (Rossello-Rochet 2020, Revue d’Historiographie du Théâtre 2023), les metteuses en scène et directrices de salle (Fix et Ponzetto 2022, Revue d’histoire du Théâtre 2024, à paraitre), les « patronnes » (Nathalie Coutelet et Hélène Marquié 2025) ou les « petites mains » (Revue d’histoire du Théâtre, numéro à venir) et celles qui occupent les « petits métiers » du théâtre ont été soumises à enquête, il reste à mettre au jour le rôle joué par les « passeuses » du théâtre – qui peuvent se retrouver dans chacune des catégories précitées, ainsi de la Duse « passant » un théâtre étranger, ou un art théâtral étranger.
Il s’agira de s’intéresser aux femmes qui ont joué un rôle dans la découverte, la diffusion et la circulation des théâtres, d’une aire culturelle vers une autre. Nous entendons dès lors « agentes » non dans le sens étroit d’imprésarias, mais dans le sens de femmes qui ont fait preuve d’agentivité. Notre projet s’insère donc dans le cadre plus large des réflexions autour des « médiatrices » et des « au féminin » (Foucher-Zarmanian, Marquié et Duhautpas 2022 ; Charlier 2023). À la différence du colloque « Femmes artistes dans l’espace Atlantique : migrations, création, émancipation », ce n’est pas tant le voyage et les « trajectoires migratoires » qui nous intéressent que les personnes, les objets et les gestes. Notons également que le projet s’inscrit dans la lignée des travaux menés sur les « spectatrices » (Lochert 2022 1 et 2022 2) : supposément passives, les spectatrices (de même que les seules lectrices de théâtre) peuvent devenir ensuite agentes. La question de l’endroit et du temps de la rencontre avec le théâtre de l’autre nous semble d’ailleurs également essentielle. Qu’elle se déroule dans l’intimité de la lecture personnelle, dans la sociabilité d’un salon mondain, ou dans une salle de théâtre, elle est ainsi digne d’un grand intérêt.
Nous prendrons dans un premier temps comme centre la France. Nous sommes donc en quête de ces « agentes » qui ont participé, depuis ou vers la France, à la circulation, au transfert, à la transmission et à la diffusion d’un certain nombre de matériaux : répertoires et textes dramatiques, techniques de jeu, conceptions et théories dramaturgiques. C’est à ces traductrices, éditrices, directrices de théâtre, metteuses en scène, actrices, impresarias, critiques, journalistes, salonnières, pédagogues, professeures, intellectuelles, à ces prescriptrices, à ces influenceuses, c’est-à-dire, au sens littéral, ces femmes d’influence, parfois très célèbres, souvent plus discrètes, que nous voudrions nous intéresser. Le champ théâtral nous paraît particulièrement propice à cette exploration. Le théâtre offre en effet un espace public qui met à mal les assignations de lieu dévolues aux femmes. Dans le même temps, il permet également aux femmes de disposer d’une tribune, de porter une voix. Le métier de « passeuse » de théâtre est caractérisé à la fois par la publicité du théâtre, et le caractère souvent privé, secondaire, discret, de l’opération de transfert : les femmes peuvent s’y exercer, en « souterrain », « petites mains » du passage et de la transmission, rôle souvent réservé aux femmes. On se gardera toutefois d’apposer une cape d’invisibilité sur toutes ces agentes ; le statut, le pouvoir et la fortune, et donc la publicité d’une certaine posture, sont parfois nécessaires. Ne peuvent être mécènes que les femmes dotées d’un capital financier ; le fait de disposer d’un théâtre apporte aussi une force de frappe considérable, et aplanit un grand nombre de difficultés pratiques.
Il s’agira donc ici d’étudier les processus de circulations théâtrales initiées par les femmes, du moment de leur découverte d’un texte, d’un répertoire, d’une technique ou d’un artiste, à leur transfert vers un autre espace, vers une autre culture, jusqu’à leur réception et leur postérité dans l’espace et la culture de destination.
Ainsi, Pauline Ahlberg, autrice suédoise, est-elle l’une des premières à mentionner, au sein d’une revue française, les drames réalistes d’Ibsen, et par la même occasion à transmettre en France une dramaturgie qui sera au fondement de la modernité théâtrale. Si l’auteur d’Une Maison de poupée semble avoir de quoi susciter l’intérêt des femmes, intéressées par Nora, personnage féminin fort et tranchant, on peut s’interroger sur d’éventuelles constantes et analogies entre les œuvres ou les artistes que les femmes choisissent de transmettre. Le théâtre transporté par les passeuses d’un lieu à l’autre n’est-il ainsi destiné qu’aux femmes, censé ne s’adresser qu’aux femmes, et investi car il met en scène un nouveau genre de personnages féminins ? Est-ce même plus étroitement un « théâtre de femmes », le plus souvent écrit par les femmes, pour les femmes, donc par définition « mineur », ce que contredit l’exemple Ahlberg/Ibsen ? De fait, le théâtre que ces passeuses choisissent de mettre en valeur est-il un théâtre « canonique », classique, dans son pays d’origine, ou est-il au contraire marginal, les agentes choisissant d’occuper des espaces laissés libres par les hommes ? On pourrait dans ce cas se demander si ces « passeuses » choisissent de faire ensemble réseau, ou cénacle, ou groupe, se retrouvant dans les mêmes espaces de publication, de diffusion ou de représentation. En un mot, existe-t-il une spécificité féminine ou féministe des théâtres que ces femmes font circuler ? À quels lieux, à quels espaces, publics ou privés, masculins ou féminins, officiels, confidentiels ou marginaux, destinent-elles les théâtres dont elles contribuent à la diffusion ? Les lieux « féminins » du care, comme par exemple les représentations philanthropiques, sont-ils propices à de tels transferts ? Enfin, dans ces opérations de transfert, le théâtre n’est-il qu’un genre parmi d’autres, ou est-il un genre choisi, en raison de sa publicité, ou pour d’autres raisons ? Y a-t-il de même au sein du théâtre des genres de prédilection à ces « passages », soit dans l’aire de départ, soit dans l’aire d’arrivée – « petits » genres, fluides, soit non encore colonisés par le masculin ? Encore une fois, nous voudrions rester attentif.ves aux différences de statut de ces passeuses, artistes, femmes du monde ou mécènes, issues de milieux différents, en nous posant par exemple la question des agentes racisées.
Outre le choix du répertoire et des textes, la question du « geste de transfert » est également primordiale. Que font ces passeuses des objets qu’elles font connaître ? Les modifient-elles ? Les vulgarisent-elles ? Les commentent-elles ? Existe-t-il par exemple une manière féminine, voire féministe, de traduire, ou d’adapter, le texte de théâtre, en suivant les préconisations, valables pour le contemporain, de Noémie Grunenwald (2022) ? La même question se pose si l’on envisage le « passage » d’une pièce par la mise en scène – Ibsen par Elizabeth Robins, par exemple (François-Denève 2022).
Nous souhaitons pour ce projet envisager tout type de circulation théâtrale (œuvres, théories, techniques et personnes) pourvu qu’il ait été initié par une « passeuse ». Dans un premier temps, nous considérerons la France comme un point de départ, de passage ou de destination. De même que les bornes géographiques, les bornes chronologiques de notre projet restent ouvertes, mais nous privilégierons les études portant sur des circulations antérieures aux années 1970, moment où la réflexion sur le genre s’institutionnalise, générant ses gestes propres.
Bibliographie indicative :
Bouveresse, Clara, Cavalcanti Simioni, Ana Paula, Dansilio, Florencia, Fléchet, Anaïs, Vernet Thomas, « Femmes artistes dans l’espace Atlantique : migrations, création, émancipation », colloque de l’abbaye de Royaumont, octobre 2025.
Broude Norma, Garrad Mary, éd., Reclaiming female Agency. Feminist Art Theory after Postmodernism, Berkeley, University of California Press, 2005.
Charlier, Marie-Astrid, « Naturalismes en réseaux. Approches réticulaires et connectées », colloque à l’Université de Montpellier, novembre 2023, en cours de publication.
Coutelet Nathalie et Marquié Hélène, « Les ‘patronnes’ : directrices du spectacle vivant. Enjeux historiques et contemporains », colloque prévu en juin 2025.
Davis Kathy, Leijeenar Monique, Oldersma Jantine, The Gender of Power, Londres, Sage Publications, 1991.
Diassinous Nicolas, Notices de « Essai sur le drame fantastique » et « De la littérature slave, par M. Adam Mickiewicz », Œuvres complètes de George Sand – Articles de presse volume I, édition dirigée par Marie-Ève Thérenty, Honoré Champion, à paraître.
Doyon Raphaëlle, « Le genre, une catégorie utile à l’histoire du théâtre du XXe siècle ? Le cas de Jacques Copeau et Suzanne Bing », Revue d’Histoire du Théâtre, numéro 270 [en ligne], mis à jour le 01/02/2016, URL : https://sht.asso.fr/le-genre-une-categorie-utile-a-lhistoire-du-theatre-du-xxe-siecle-le-cas-de-jacques-copeau-et-suzanne-bing/
Évain, Aurore, L'apparition des actrices professionnelles en Europe, Paris ; Budapest ; Torino, l'Harmattan, 2001.
Filippi, Florence et Florence Naugrette, « Voix d’or et petites mains », colloque d’octobre 2023, université de Rouen, publication à venir dans la Revue d’Historiographie du Théâtre.
Fix, Florence, Valentina Ponzetto, éd., Femmes de spectacle au XIXe siècle, Berne, Bruxelles, Peter Lang, coll. « Dramaturgies », 2022, DOI : 10.3726/b20051.
François-Denève, Corinne, « Elizabeth Robins, ‘actress-writer’ », in Femmes de spectacle au XIXe siècle, dirigé par Valentina Ponzetto et Florence Fix, « Dramaturgies » n.° 42, Peter Lang, 2022, p. 137- 150.
--, « Det uteblivna mötet mellan Selma Lagerlöf och teatermannen Louis Jouvet », in Världsberömd och Inkognito. Selma Lagerlöf i Frankrike. Lagerlöfstudier, co-édité par Anna Nordlund et Anna Forsberg, Lagerlöfstudier, Mårbacka Förlag, 2024, p. 94-123.
Foucher-Zarmanian Charlotte, Marquié Hélène, Duhautpas Frédérick, éd., Médiatrices des arts. Pour une histoire des transmissions et réseaux féminins et féministes, Paris, Presses universitaires de Paris Nanterre, 2022.
Grunenwald, Noémie, Sur les bouts de la langue. Traduire en féministe/s, [Lille], La Contre Allée, 2021.
Huthwohl Joël, Sanjuan, Agathe, éd., « Pour une histoire des metteuses en scène », Revue d’histoire du Théâtre, n°299, T2, 2024.
Lochert, Véronique, Marie Bouhaïk-Gironès, Céline Candiard, Fabien Cavaillé, Jeanne-Marie Hostiou, Mélanie Traversier, Spectatrices ! De l’Antiquité à nos jours, Paris, CNRS éd., 2022.
Lochert, Véronique, Florence d'Artois, Patrizia De Capitani, Lise Michel et Clotilde Thouret, « Écrire pour elles. Dramaturges et spectatrices en Europe », Etudes Epistémé, 4, 2022, https://doi.org/10.4000/episteme.15230.
Naudier Delphine, Rollet Brigitte, éd., Genre et légitimité culturelle. Quelle reconnaissance pour les femmes ?, Paris, L’Harmattan, Coll. « Bibliothèque du féminisme », 2007.
Naugrette, Florence, éd., « Le Canon théâtral à l’épreuve de l’histoire », Revue d’Historiographie du Théâtre, n°8, T3, 2023.
Riedler, Juliette, 7 femmes en scène, émancipations d'actrices, [S.l.], L'extrême contemporain, 2022.
Rossello-Rochet, Julie, Des autrices dramatiques parisiennes dans l’espace public du XIXᵉ siècle (1789-1914), thèse sous la direction de Bérénice Hamidi-Kim, 2020, en cours de publication aux Presses du Septentrion.
Yon, Jean-Claude, éd., Le théâtre français à l'étranger au XIXe siècle : histoire d'une suprématie culturelle, [Paris] : Nouveau monde éd., 2008.