
En revenant sur la vie de Suzanne, sa mère, née à Paris en 1907 de parents originaires de Brody en Galicie (aujourd’hui en Ukraine), Jean-Claude Grumberg retrace dans Quand la terre était plate (Seuil, "La Librairie du XXIe s.") deux guerres mondiales et un siècle de soupçons, d’expulsions, d’exils et pogroms, en tentant de produire le récit dont les protagonistes ont disparu : comment raconter une histoire vraie quand on ne la connaît pas ? Fabula vous invite à lire les premières pages de l'ouvrage…
Flammarion réédite dans la collection "Champs Essais" le livre d'Omer Bartov paru en français en 2021 aux éditions Plein Jour : Anatomie d'un génocide. Vie et mort dans une ville nommée Buczacz, petite ville de Galicie : pendant plus de quatre cents ans, des communautés diverses y ont vécu plus ou moins ensemble – jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale, qui a vu la disparition de toute sa population juive. En se concentrant sur ce seul lieu, qu’il étudie depuis l’avant-Première Guerre mondiale, Omer Bartov reconstitue une évolution polarisée par l’avènement des nationalismes polonais et ukrainien, et la lutte entre les deux communautés, tandis que l’antisémitisme s’accroît. Fabula vous propose de feuilleter également cet ouvrage… Les éditions Plein Jour font paraître ces jours-ci un autre essai d'Omer Bartov, Contes des frontières. Faire et défaire le passé en Ukraine, où revient vers Buczacz pour étudier cette fois les perceptions et l’imaginaire que chacune des communautés juive, polonaise et ukrainienne nourrissait sur elle-même, ce a depuis les origines de sa présence dans ce territoire des confins de l’Europe. Comment des voisins partageant un sol commun ont-ils élaboré des récits fondateurs de leurs identités jusqu’à opposer leurs mémoires ? Le livre, qui traite de ces récits "nationaux", de la construction de l’identité et de l’opposition qu’elle peut induire entre les différents groupes, apparaît comme une clé de compréhension du passé autant que du présent.
Flammarion publie également l'essai de Steven J. Zipperstein, Pogrom. Kichinev ou comment l'Histoire a basculé, qui retrace le progrom déclenché en avril 1903, dans la Russie tsariste,par une accusation archaïque de crime rituel dévaste le quartier juif de Kichinev, aujourd’hui Chiinu, capitale de la Moldavie. En l’espace de trois jours, quarante-neuf Juifs sont tués, six cents violés ou blessés, et mille maisons pillées et détruites. Comme jamais auparavant dans l’Histoire, ce crime antisémite déclenche une émotion mondiale, et joue un rôle important dans l’histoire des Juifs au XXᵉ siècle, entre socialisme et sionisme, mais aussi, a contrario, dans la propagande antisémite, en préciptant la première publication des Protocoles des Sages de Sion. Fabula vous invite ici encore à feuilleter l'ouvrage…
Paraît encore aux éditions Non Lieu la première traduction française du recueil des reportages de Filip Brunea-Fox, Un pogrom à Bucarest, récédé de Cinq jours chez les lépreux et autres reportages, qui s'intéresse aux marges et aux exclus de la Grande Roumanie entre les deux guerres mondiales. Les textes choisis, parmi les plus célèbres de l'auteur, évoquent des mondes disparus : les lépreux de Bessarabie, l'île turque d'Ada Kale, les juifs du Maramures... et donnent à lire aussi son témoignage sur le pogrom de 1941 à Bucarest, qui constitue un document historique de premier ordre. Et rappelons l'enquête de Marta Caraion, déjà saluée par Fabula et dont paraît ces jours-ci la traduction en roumain : Géographie des ténèbres. Bucarest-Transnistrie-Odessa 1941-1981 (Fayard), qui retrace une histoire familiale, d'Est en Ouest de l'Europe, au xxe siècle : Odessa, Bucarest, Paris, Chisinau, Lausanne longtemps après, avec au centre du drame, le récit occulté de la déportation des Juifs d'Odessa en Transnistrie, ce territoire qui, le temps de la guerre, entre le Dniestr et le Bug, a servi de laboratoire d'extermination ethnique à la Roumanie de Ion Antonescu. Une rencontre aura lieu le 4 mai prochain au Mémorial de la Shoah : "Vie et mort des juifs d'Odessa".
(Illustr. Inauguration d’un monument dédié aux Juifs assassinés à Buczacz, juillet 1944. Source : Yad Vashem)