
Médias, mémoires et résistances dans les mondes arabes et musulmans : discours et contre-discours (Paris)
Discours et contre-discours : médias, mémoires et résistances dans les mondes arabes et musulmans
les 25-26 septembre 2025, Paris
Dans les mondes arabes et musulmans, la mémoire des conflits et des héritages historiques fait l’objet de luttes narratives où s’affrontent discours dominants et contre-discours. À travers les médias, les archives, les arts et les espaces de transmission, les récits du passé sont sans cesse reconstruits, contestés et réappropriés. Cette journée d’étude propose d’explorer ces dynamiques à travers quatre axes de réflexion croisant représentations médiatiques, pratiques culturelles, structures de pouvoir et résistances minoritaires.
1. Archives, langages et arts : représentations du passé au présent
L’accès aux archives et aux sources primaires est crucial pour la production du savoir historique, mais il est souvent marqué par des logiques d’exclusion et de manipulation, comme l’illustre l’"Operation Legacy", visant à détruire des archives coloniales britanniques compromettantes. Cette instrumentalisation des sources a conduit à un renouveau historiographique valorisant les récits « indigènes » et les archives alternatives, notamment grâce au numérique. Ce dernier joue un rôle central dans l’archivage des mondes arabe et musulman, permettant de préserver la mémoire malgré les destructions et d’élaborer un récit hors des cadres traditionnels. Par ailleurs, les arts – cinéma, arts visuels, littérature, musique – constituent des espaces de réinterprétation et de contestation des récits dominants, renouvelant les formes de mémoire et de revendication symbolique. Ils participent ainsi à la construction d’une authenticité qui s’inscrit dans un registre de résistance et de réappropriation.
→ Comment l’accessibilité et la mise en récit des archives influencent-elles les mémoires collectives ? De quelle manière les expressions artistiques permettent-elles de revendiquer, de subvertir ou de prolonger certains héritages historiques ?
2. Espaces, mouvements et matérialités de la mémoire
Les conflits sur le passé se cristallisent dans les traces matérielles et immatérielles de l’histoire – patrimoine architectural, paysages marqués par la guerre, lieux de mémoire ou pratiques culturelles. Ces espaces, loin d’être neutres, sont façonnés par des rapports de force, des politiques de conservation ou de destruction et des luttes d’appropriation. Certains États réinvestissent ainsi des héritages autrefois rejetés pour cultiver une authenticité réinterprétée, comme l’illustrent les projets patrimoniaux récents en Arabie saoudite. Or, la mémoire repose sur une interaction entre matériel et immatériel, et sa matérialisation devient un enjeu crucial, notamment face à l’exil ou aux destructions massives. Dans ce contexte, des concepts comme le « culturicide » ou l’« urbicide » ont émergé pour souligner l’impact des destructions sur la mémoire collective.
→ Comment les transformations urbaines, les réinterprétations patrimoniales et les mobilités transnationales affectent-elles la construction des mémoires collectives ? Quelles pratiques et héritages immatériels permettent de relier le passé aux enjeux contemporains ? Comment les traditions orales, les rituels et les pratiques culturelles assurent-ils la transmission du passé ?
3. Médias, minorités et asymétries de pouvoir
Les représentations médiatiques des conflits reflètent des rapports de domination en marginalisant certaines voix, qu’il s’agisse de minorités ethniques, religieuses, linguistiques ou de groupes historiquement invisibilisés. Héritages coloniaux et postcoloniaux continuent d’influencer la couverture médiatique, entre omissions, distorsions et narrations biaisées. Si les nouvelles technologies offrent des espaces alternatifs permettant aux acteurs minorisés de produire leurs propres récits, elles restent soumises à des logiques de contrôle et de sélectivité. En accentuant les biais cognitifs et en favorisant la désinformation à travers les algorithmes, elles participent à une « gouvernementalité algorithmique » qui façonne et limite la diversité des discours.
→ Comment les réseaux sociaux et les plateformes numériques redéfinissent-ils les formes de résistance narrative ? Quelle place les récits genrés occupent-ils dans la transmission et la conservation des mémoires des conflits ? Quelles asymétries de pouvoir persistent dans la couverture médiatique et institutionnelle des conflits ?
4. Acteurs, réseaux et dynamiques institutionnelles
Historiens, journalistes, artistes, activistes et institutions politiques façonnent la relation entre passé et présent dans le monde arabe et musulman, selon des dynamiques de pouvoir influençant la légitimité des récits historiques. Les diasporas et les circulations transnationales jouent un rôle clé dans la transmission des mémoires, en reliant expériences locales et globales. Intégrées aux réseaux de recherche étrangers, elles abordent des questions souvent « intraitables » dans les contextes nationaux, s’inscrivant ainsi dans une lutte des mémoires. Par ailleurs, le récit historique, tributaire des évolutions politiques, fait l’objet de réinterprétations qui redéfinissent le roman national ou l’histoire officielle. Tandis que certains États valorisent ou rejettent certaines périodes du passé, des réseaux extérieurs aux circuits officiels investissent la recherche pour nuancer ou orienter les lectures historiques. Dès lors, analyser les logiques institutionnelles de production des discours est essentiel pour en comprendre la portée et les enjeux.
→ Quels sont les rapports de force qui régissent la production et la diffusion du savoir historique ? Comment les mobilités et les exils contribuent-ils à l’émergence de nouvelles perspectives mémorielles ?
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Références bibliographiques
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Modalités de soumission
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Calendrier
- Date limite de soumission des propositions : 30 mai 2025
- Notification aux auteurs : 16 juin 2025
- Dates du colloque : 25-26 septembre 2025
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Comité d’organisation
- Samira Hamoudi (Université de Bordeaux Montaigne)
- Clara Valli (Université de Lorraine)
- Kahina Guillard (Inalco, CERMOM / CESSMA)
- Leonard Castritius (EHESS)
- Nada Amin (Lyon 2)
- Zahia Bridon (Université de Lorraine)