Voyages et voyageurs au Centre de la France :L’identité d’une région vue par ses visiteurs (XVIe-XXe s.)
Colloque international
Voyages et voyageurs au Centre de la France :
L’identité d’une région vue par ses visiteurs (XVIe-XXe s.)
15-16 octobre 2015,
Orléans (Hôtel Dupanloup),
organisé par
L’EA 4710 POLEN (Pouvoirs-Lettres-Normes) / l’APR LocMem (Lieux de mémoire, savoir et pouvoir en Région Centre),
Université d’Orléans.
Appel à communications
Au moment où le législateur vient de réaffirmer l'existence de la région Centre en la rebaptisant « Centre-Val de Loire », ce colloque, organisé par le laboratoire orléanais POLEN, s’intéresse aux représentations de ce territoire véhiculées par des voyageurs – autant français qu’étrangers – depuis la fin du Moyen Âge, afin de déceler d’éventuelles continuités et ruptures, des motifs récurrents et des perspectives divergentes. Il s’agit d’apporter un éclairage nouveau sur la perception et la compréhension de cette région – Touraine, Berry, Orléanais, pays chartrain et blésois –, peu définie par sa géographie, si ce n’est par la proximité de la Loire, et par conséquent ouverte aux interprétations les plus variées.
Destination de voyage ou étape sur les routes qui lient le Nord au Sud du pays, le Centre de la France a accueilli au cours de son histoire les voyageurs les plus divers. Voyageurs en quête religieuse d’abord, puisque la région est traversée par deux chemins de Compostelle, la via Lemovicensis (la voie de Vézelay) et la via Turonensis (le chemin de Tours), et abrite un nombre important de sanctuaires qui attirent à eux seuls les pèlerins, tels Chartres ou Saint-Benoît-sur-Loire. Voyageurs à la recherche de savoir et voyages d’études ensuite : dès leur fondation, les universités d’Orléans, de Tours et de Bourges sont prisées par des étudiants et savants étrangers ou venus d’autres régions françaises. Des économistes et géographes font des études des conditions locales dès le XVIIe siècle. Le folklore berrichon, les croyances et coutumes, l’architecture rurale en Sologne sont répertoriés et examinés par des ethnographes qui effectuent des études de terrain dans la région au cours des deux siècles derniers. Voyageurs artistes, puisque les paysages de la Loire, les villes et les châteaux attirent des peintres, graveurs, photographes ou dessinateurs souvent originaires de contrées lointaines. Les projets architecturaux, les châteaux en Val de Loire amènent des artistes, notamment italiens à l’époque de la Renaissance, dont les œuvres seront étudiées par des générations de visiteurs à leur suite. Voyageurs en quête de loisirs également : en premier lieu la chasse à la tradition plusieurs fois séculaire, relancée par Napoléon III en Sologne et perpétuée entre autres par les présidents de la République et leurs hôtes internationaux au XXe siècle, mais un voyageur en quête aussi d’une certaine douceur et d’un art de vivre, y compris culinaire ; avec le développement du réseau routier et ferroviaire, le tourisme individuel ou organisé se concentre, dès la fin du XIXe siècle, sur la visite des villes et des monuments historiques. Depuis l’an 2000, le classement du Val de Loire au patrimoine mondial de l’humanité en tant que « paysage culturel » consacre la région en tant que destination de touristes venus du monde entier. Des voyageurs marchands ont parcouru la région, notamment aux grandes heures de la marine de la Loire, à savoir le XVIIIe et la première moitié du XIXe siècle. Enfin, des voyages aux finalités politiques ont amené des dirigeants d’institutions diverses à tenir au cœur de la France des réunions fondatrices ou remarquées. On songera par exemple aux importants conciles depuis le Moyen Âge à Tours, Orléans et Bourges, à la visite de Jean-Paul II en 1996, aux Etats Généraux du Royaume de France réunis par Catherine de Médicis à Orléans en 1560, ou encore au congrès de Tours du Parti socialiste en 1920, sans oublier les visites régulières et toujours scrutées des présidents français aux fêtes johanniques.
Ce colloque orléanais se propose de recenser, et de réfléchir aux visions du patrimoine ligérien que transmettent les écrits de voyage – visions d’un patrimoine naturel, matériel et immatériel (littéraire, ethnographique et linguistique). Les communications s’appuieront sur des sources variées : correspondances, guides de voyage, carnets de route, récits de voyage, documents scientifiques, photographies ou dessins.
Les contributions soumises pour approbation pourront suivre des approches diverses (historique, littéraire, géographique) et chronologiquement transversales. Les propositions s’inscriront dans les perspectives suivantes :
I. Parcours ligériens : du Grand Tour aux guides de voyages
Il est envisageable d’interroger les sources de façon sérielle, en s’intéressant aux parcours typiques, voire modèles, qui s’en dégagent. Ainsi la Touraine et le Blésois constituaient souvent une étape obligatoire dans l’itinéraire des jeunes Britanniques adeptes du Grand Tour, étape consacrée à la préparation linguistique d’un séjour plus intimidant parmi la société parisienne. D’autres voyageurs se servent de leurs lectures scolaires ou personnelles en tant que fil conducteur, parcourant la région à la recherche de lieux et « types » d’habitants qui figurent dans l’œuvre de Rabelais, Ronsard, Balzac, George Sand ou Proust, voire de romanciers historiques étrangers comme Sir Walter Scott. Les guides de voyage suivent les voies de transport fluviales, ferroviaires, automobiles et cyclistes autant qu’ils prescrivent des itinéraires et imposent des manières de voir aux voyageurs qui les consultent. De quelle manière et pour quelles raisons peut-on observer une consolidation ou, au contraire, des changements dans les préférences paysagères et patrimoniales, les hiérarchies des sites à visiter, les pratiques spatiales des touristes en itinérance dans la région ? La standardisation des itinéraires et la description factuelle que proposent les guides de voyage, de plus en plus nombreux depuis le XIXe siècle, confèrent-elles en contrepartie une certaine liberté aux récits de voyages personnels, laissant une plus grande place à l’appréciation subjective des paysages et personnes rencontrés dans la région ?
II. Paysages de Loire : regards d’écrivains et d’artistes en mouvement
De Jean de la Fontaine à Georges Simenon et Julien Gracq en passant par Gustave Flaubert, des écrivains ont laissé des témoignages de leurs voyages en Touraine, Orléanais et Berry, la plupart du temps dans leurs correspondances, mais aussi dans une véritable littérature viatique. Souvent considérés comme appartenant à un genre mineur, dévalorisés par les auteurs eux-mêmes en tant que simples « notes informelles », « esquisses » ou « pages légères » à l’instar du Voyage en France de Henry James (1884), ces ouvrages ne contribuent-ils néanmoins pas à établir certaines perspectives esthétiques sur ce Centre de la France ? Est-il possible de cerner l’influence de la vision artistique, de la création littéraire dans l’émergence d’une certaine identité poétique et visuelle de la région ? À ce titre, on prêtera une attention toute particulière aux textes illustrés et aux relations qui s’y nouent entre représentations écrite et iconographique des lieux évoqués. D’autre part, les Beaux-Arts ont à leur tour influencé les manières de percevoir les paysages de la région, à l’instar des scènes fluviales que William Turner dessina lors de son voyage de 1828. Le colloque sera l’occasion d’évaluer cet apport esthétique à l’imaginaire ligérien.
III. L’exploration scientifique : inventorier et comprendre
Les expéditions outre-mer ont attiré davantage l’attention des historiens que l’exploration intérieure de la France. Pourtant, les entreprises de classification et de description systématique sont nombreuses : des enquêtes économiques amènent l’agronome Arthur Young dans la région à la fin des années 1780 ; un siècle plus tard, Victor-Eugène Ardouin-Dumazet se réfère encore à ce précurseur britannique quand il décrit avec empathie les efforts de régénération de la Sologne. Dans les années 1830, Prosper Mérimée, inspecteur des Monuments historiques, parcourt la région dans un souci d’inventorier l’exceptionnel patrimoine bâti. Cette initiative est suivie par une mission héliographique vingt ans plus tard. Sous l’impulsion de Georges Henri Rivière, fondateur du Musée des Arts et Traditions populaires en 1937, des enquêtes ethnographiques ont lieu en Sologne. Pour chacune de ces entreprises, on se demandera quels savoirs sur la région elle a produits et dans quelle mesure elle a pu contribuer à façonner l’image du Centre-Val de Loire.
IV. Le Centre en politique : visites, discours et représentations
La démarche savante n’exclut pas une visée politique ; ainsi Ardouin-Dumazet conclut une bonne partie de ses observations en demandant une action de l’État en faveur de l’économie locale. Des auteurs engagés se servent des sites visités comme d’un écran sur lequel ils projettent leurs idées politiques, tel Joseph Lavallée qui, en 1793, se laisse emporter par une certaine ferveur révolutionnaire en condamnant tous les témoignages architecturaux de l’Ancien Régime, omniprésents dans la région. Des récits plus contemporains expriment une sensibilité écologique en retraçant des voyages le long du « dernier fleuve sauvage » en Europe. À ces messages enchâssés dans les écrits de voyageurs s’ajoutent des descriptions d’itinéraires des représentants du pouvoir eux-mêmes, ainsi que les discours qu’ils ont pu tenir lors d’un voyage dans les territoires qui correspondent à l’actuelle région Centre, véhiculant des images de ce pays qui restent à analyser. Un grand nombre d’écrits de voyage sont expliqués par la présence royale et les déplacements d’une cour itinérante, notamment à Blois et Chambord, au début de la période retenue pour le colloque. Mais on s’intéressera également aux techniques quotidiennes du pouvoir, telles les tournées préfectorales ou les visites pastorales des évêques dans leurs diocèses, qui produisent des rapports autrement plus fins sur les conditions de vie et l’aménagement du territoire dans la région.
Ce sont ces pistes et d’autres que le colloque se propose d’emprunter, en invitant historiens, géographes, littéraires, historiens de l’art, à se pencher sur la question de la représentation de l’actuelle région Centre dans les documents produits par et pour les voyageurs.
La langue privilégiée pour les communications est le français ; l’anglais est néanmoins bienvenu. Les communications dureront vingt minutes et seront suivies de dix minutes de discussion.
Les propositions de communication, accompagnées d’un argumentaire (au maximum, une page), sont à adresser à : Anne Delouis, anne.delouis@univ-orleans.fr au plus tard le 28 février 2015, délai de rigueur. Elles seront ensuite soumises au comité scientifique ; une réponse sera envoyée aux proposants dans les plus brefs délais.
La publication des actes est souhaitée.
Comité organisateur
Anne Delouis
Irène Jourd’heuil
Christophe Speroni
Comité scientifique
Pierre Allorant
Anne Delouis
Geneviève Haroche-Bouzinac
Irène Jourd’heuil
Christiophe Speroni