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Crimes fictionnels / crimes factuels. Fictions criminelles européennes et discours médiatiques du crime (Paris Nanterre)

Crimes fictionnels / crimes factuels. Fictions criminelles européennes et discours médiatiques du crime (Paris Nanterre)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Matthieu Letourneux)

Colloque international

Crimes fictionnels/crimes factuels

Fictions criminelles européennes et discours médiatiques du crime

Université Paris Nanterre, 7 et 8 octobre 2021

organisé par Matthieu Letourneux (Université Paris Nanterre)

et Marie-Ève Thérenty (Université Paul-Valéry-Montpellier 3)

dans le cadre du projet H2020 Detect et du projet ANR Numapresse

 

Il existe une histoire commune des fictions criminelles et des discours médiatiques sur l’insécurité et la violence sociale. Ainsi, les fictions policières se sont constamment inspirées des grands faits divers de leur époque ou se sont efforcées de traiter de sujets de société, de même qu’elles ont pu prétendre jouer un rôle de révélateur de pratiques inavouables ou d’aspects cachés de la société. À l’inverse, dans leur souci de dramatisation, les productions médiatiques se sont souvent inspirées des procédés de la fiction, depuis les techniques de feuilletonisation des grands faits-divers par la presse du XIXe siècle jusqu’aux émissions « true crime » de la télévision par câble, en passant par la multitude d’articles ou de reportages convoquant en sous-main des intertextes de fiction. Or, des travaux récents ont permis de prendre la mesure de l’importance de ces échanges entre fictions criminelles et productions médiatiques, en mettant en évidence un lien profond existant dès l’origine entre les dynamiques communicationnelles de la presse et des médias et la structure même du récit criminel, depuis les mystères urbains du XIXe siècle accompagnant l’avènement d’une culture médiatique moderne, jusqu’aux prétentions de la fiction contemporaine à investir les espaces de l’enquête journalistique. De tels échanges, que l’on retrouve partout, ont contribué à l’homogénéisation des imaginaires européens.

Ainsi les relations entre imaginaires médiatiques et récits criminels ne se cantonnent pas à la question des reprises dans les fictions d’événements empruntés au fait divers ou, à l’inverse, à celle des reprises de procédés stylistiques des fictions criminelles par les médias. Ils touchent plus profondément à des structures discursives communes aux discours médiatiques et aux récits criminels (le mystère, l’enquête, la révélation, le sensationnalisme…). Une telle proximité laisse entrevoir une sensibilité commune (sociale, politique, psychologique) au monde, de même qu’elle semble indiquer des processus herméneutiques et rhétoriques partagés pour interpréter et restituer la réalité. De manière plus générale, tout laisse à penser que les échanges qui se produisent, loin d’être anecdotiques, manifestent la complémentarité entre les discours et les imaginaires de ces deux types de productions. Dès lors, ce sont des relations beaucoup plus étroites qu’il faut postuler entre récits fictionnels et récits factuels du crime. De tels liens expliqueraient en outre l’évolution commune de leurs esthétiques respectives au gré des mutations de l’écosystème médiatique : chaque nouveau média a ainsi inventé des modes d’expression du crime originaux, aussi bien fictionnels que factuels, se nourrissant des formes héritées du passé pour les reformuler à partir de ses modes d’expression et de ses logiques propres.

C’est cette porosité des discours en régime médiatique, entre fictionnel et factuel, et sa signification en termes d’imaginaires, d’idéologie ou de discours sociaux, que nous voudrions aborder dans ce colloque, en ouvrant la réflexion à l’ensemble des pays de l’espace européen. L’accent sera mis sur la période récente et contemporaine, avec un souci de tenir compte de l’incidence des contextes médiatiques sur les formes abordées. Les études de cas seront bienvenues. Elles pourront porter sur des productions jouant sur l’ambiguïté entre fictionnel ou factuel. On pourra également analyser les modalités d’adaptation de procédés fictionnels dans des énoncés factuels, ou, à l’inverse, la manière dont des faits divers peuvent être fictionnalisés. On pourra encore étudier des phénomènes de brouillage des frontières entre fictionnel et factuel dans le cas d’adaptation ou de migration médiatique. Mais des approches plus théoriques, globales, transversales ou historiques pourront également être proposées. Tous les médias pourront être représentés : littérature, presse, radio, télévision, cinéma, internet et réseaux sociaux.

Des travaux portant sur les questions suivantes seront en particulier bienvenus – mais la liste n’est pas limitative :

Circulation des imaginaires du crime entre fictionnel et factuel au sein d’un même média : contamination entre les formes, les genres et les modes d’expression ; phénomènes d’emprunts, de reprise, d’adaptation ou d’appropriation. Exemples : Fictions politiques, d’actualité et d’enquête, documentaires true crime, productions journalistiques et documentaires empruntant des procédés à la fiction….

Circulation transmédiatique des imaginaires engendrant des effets de reconfiguration ou de glissement entre fictionnel et factuel : phénomènes de mutation de l’un à l’autre liés aux processus de traduction intersémiotique, de reconfiguration suivant les écosystèmes médiatiques et leurs usages, et suivant les frontières entre fictionnel et factuel que leurs systèmes génériques mettent en place. Exemples : Enquêtes écrites transformées en fictions télévisuelles ou cinématographiques, relectures factuelles d’œuvres de fiction dans les réseaux sociaux ou ailleurs, ouvrages ou émissions cherchant à rapporter la fiction qu’ils évoquent à des faits divers authentiques…

Existence d’imaginaires, irriguant l’ensemble des médias, dont la cohérence se dessine à l’intersection des espaces du fictionnel et du factuel. Exemples : motifs criminels irrigant la médiasphère, surgissement de figures criminelles fantasmatiques à la construction ambiguë, entre fantasmes et réalité (la souris d’hôtel, la société criminelle, la traite des blanches, les pratiques satanistes…).

Signification culturelle, sociale, politique ou plus largement idéologique des phénomènes de contamination, de circulation ou d’homogénéisation. Rôle des fictions dans la structuration des idéologèmes, formes mixtes (fictions politiques ou documentaires, productions contre culturelles…) permettant l’expression de discours contre hégémoniques…

Approches comparatives des pratiques entre différents pays d’Europe : confrontation de cas suivant les écosystèmes médiatiques, les législations, les spécificités linguistiques, les pratiques culturelles propres ; mise en évidence de cas particuliers, associés à des situations nationales.

Approches instrumentées par les outils numériques qui pourront superposer plusieurs corpus (factuels et fictionnels, par pays) et faire émerger des patterns, des registres lexicaux et génériques communs et des règles de transformations et d’appropriations selon les genres, les langues, les pays.

Mise en évidence des effets de circulation des imaginaires ou des formes entre les différents pays d’Europe : effet d’homogénéisation ou au contraire de relocalisation et d’appropriation, variations dans l’importation de formes mondialisées (true crime, thriller).

Dimension historique de cette circulation, aussi bien au niveau imaginaire que médiatique : archéologie des écritures médiatiques du crime (pastiches, reprise de documents ou d’archives), persistance de formes héritées d’autres médias (mystère urbain, mélodrame, whodunit, faits divers Belle Epoque), résurgence de motifs oubliés (légendes urbaines, discours de savoir irrigués par des imaginaires sériels…)

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Ce projet est organisé dans le cadre du projet H2020 DETECt (https://www.detect-project.eu) et dans le cadre du projet ANR Numapresse (http://www.numapresse.org). Le colloque se tiendra à l’université Paris-Nanterre.

Les propositions seront à envoyer avant le 31 mars, en anglais ou français,

à matthletourneux@gmail.com et à marie-eve.therenty@univ-montp3.fr.