Édition
Nouvelle parution
A. Berkman, Le Mythe bolchevik. Journal 1920-1922

A. Berkman, Le Mythe bolchevik. Journal 1920-1922

Publié le par Université de Lausanne

Compte rendu publié dans Acta fabula (mars 2020, vol. 21, n° 3) : Thomas Franck, "Un révolutionnaire au cœur de la contre‑révolution"

 

Le Mythe bolchevik. Journal 1920-1922

Alexander Berkman

Préface de : Miguel Abensour, Louis Janover
Traduit par : Pascale Haas

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Klincksieck, 2017.

XXXII + 284 p.

25,50 €

EAN13 : 978225204041

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L'auteur de ce Journal, sans doute « le seul à avoir été tenu en Russie durant ces années mémorables (1920-1922) », n'est ni un réactionnaire, ni un conservateur, ni un libéral, mais un révolutionnaire communiste anarchiste, un enthousiaste de la Révolution. Comme il l'écrit, Octobre 1917 a été pour lui le plus grand événement de sa vie, le moment inouï où toutes ses aspirations à l'émancipation humaine étaient soudain susceptibles de s'accomplir, d'être enfin satisfaites. D'où la question : comment, par quelles voies un enthousiaste de la révolution de 1917 a-t-il pu écrire un livre qui a pour titre : Le Mythe bolchevik, et pour visée une démystification informée et impitoyable de cet événement qui a constitué jusqu'en 1989 un des piliers de notre monde, de notre horizon historique ? C'est qu'en dépit de son enthousiasme pour Octobre, Alexandre Berkman n'accepta pas davantage une soumission sans réserve au bolchevisme. Il choisit le rôle de collaborateur et d'observateur critique qui, au fil des mois et des événements, se transforma peu à peu en une position plus en retrait, celle d'un guetteur averti, inquiet, soucieux de percevoir le ou les moments où l'événement révolutionnaire s'exposait à basculer soudain en son contraire, quand une forme d'opposition à la révolution naît de l'intérieur de la Révolution (Karl Korsch).

Historiquement, la particularité du bolchevisme est d'être contemporain de la forme institutionnelle inédite qui le nie, à savoir les Soviets contre l'État qui prétend à tort s'identifier à la Révolution. Le journal de Berkman fait apparaître le sans-précédent du bolchevisme : comment la contrerévolution s'exerce contre une inventivité révolutionnaire nouvelle, les conseils d'ouvriers et de paysans, et à Cronstadt, en 1921, le Comité révolutionnaire de marins et de soldats, écrasé au moment même où l'on célébrait l'anniversaire de la Commune de Paris.

Voilà pourquoi le livre que vous tenez entre les mains est exceptionnel. Il porte, au-delà d'Octobre, une autre vision de l'histoire du vingtième siècle et, du même coup, une autre appréhension du présent.

Alexander Berkman n'est ni un révolutionnaire ni un anarchiste de salon. Né en 1870 en Lituanie, il émigra à 17 ans aux États-Unis où il milita très vite dans les rangs des anarchistes. Partisan de la « propagande par le fait », il tenta en 1892 de supprimer un pilier du capitalisme américain, Henry Cleveland Frick, briseur de grèves. Il fut condamné pour cela à 22 ans de prison. Remis en liberté en 1906, il reprit ses activités anarchistes, notamment dans la presse. En 1919, il partit en Union soviétique avec Emma Goldman et d'autres militants socialistes et anarchistes. Après avoir écrit que face à la Révolution triomphante il avait connu le jour le plus sublime de sa vie, il apprit, au cours de ses deux années de séjour, à décrypter le système bolchévique et à y percevoir un  nouvel instrument de domination bureaucratique. Il consacra peu après une brochure sur la rébellion de Kronstadt dans laquelle il dénonce la répression bolchévique et affirme sa rupture avec le marxisme de parti ou d'État. Il mourut en exil à Nice en 1936.