La traduction comme lieu herméneutique
De la singularité de l’herméneutique théâtrale
1Cet ouvrage permet d’aborder de front la manière spécifique dont la question herméneutique se pose pour le théâtre. D’un côté, cet art engage un travail herméneutique analogue à celui qui est développé par toute œuvre : il suppose les mêmes questionnements que ceux qui sont posés par une peinture ou une fiction en prose lorsqu’elles nous invitent à décrypter le sens d’un geste, d’une action, d’une rupture de tonalité ou d’un effet de style. Mais le propre du théâtre est sans doute l’incomplétude foncière du matériau textuel, en attente d’une actualisation que lui donneront le jeu de l’acteur et la mise en scène. Objet artistique lacunaire tant qu’elle n’est qu’à l’état de texte, la pièce écrite appelle une interprétation scénique — le terme n’est pas métaphorique, puisque la représentation engage des choix herméneutiques.
2Or les bornes chronologiques délimitées par Véronique Lochert et Zoé Schweitzer placent cette dimension au cœur de la réflexion. En effet, l’éventail temporel du volume couvre une période où la mise en scène en tant que telle n’existe pas encore1, mais où les questions de mise en scène deviennent un objet d’intérêt. Dès le xvie siècle, la dimension scénique, la théâtralité et le jeu de l’acteur constituent des objets de réflexion. La première modernité constitue donc un entre-deux, où ces enjeux sont abordés sans faire l’objet d’un traitement systématique ou professionnel. Ils relèvent encore davantage de la réflexion théorique que de la pratique spectaculaire proprement dite. Or les traductions du théâtre antique et leurs commentaires vont livrer un espace de formalisation privilégié à ces réflexions, puisque le texte ancien confronte son traducteur à la nécessité de penser les effets scéniques qu’il recèle et la manière de les restituer pour le récepteur moderne.
3Cette prise en charge des enjeux scéniques s’affirme précisément au xvie siècle, lorsque le théâtre antique est considéré à l’aune de sa spécificité générique et non plus seulement comme le support d’un apprentissage linguistique ou moral. Jusque là, les textes de théâtre, à l’instar d’autres textes antiques, sont envisagés indépendamment de leur genre, comme des vecteurs pédagogiques permettant l’enseignement du latin ou l’extraction de maximes morales isolées de leur contexte. Une mutation s’opère au xvie siècle. La concurrence que la traduction vient alors faire au commentaire philologique constitue à la fois un indice et un instrument du changement de statut du texte théâtral antique. Traduire en langue vernaculaire, c’est rendre accessible le texte, donner la possibilité de le jouer et de l’envisager en regard du théâtre contemporain, alors que le commentaire philologique, outre qu’il ne privilégie pas l’approche générique, maintient l’œuvre « dans son jus » et ne travaille pas à ce rapprochement avec l’imaginaire et les pratiques modernes.
Les métamorphoses du commentaire
4Le premier chapitre de l’ouvrage s’intéresse à la mutation des pratiques qui caractérisent la période, lorsque le commentaire philologique se voit concurrencé par des procédures herméneutiques plus labiles et ambiguës qui passent par le biais de la traduction. Ainsi, Jean-Frédéric Chevalier montre comment les premières traductions italiennes de Sénèque en langue vernaculaire (xve siècle) sont le lieu d’une transfiguration du texte antique, assorti de finalités spirituelles qui ne sont pas manifestes dans les commentaires paratextuels. Dans une traduction de l’Agamemnon (1497), les évocations païennes sont christianisées et le chant d’un chœur est amplifié de manière à délivrer un enseignement chrétien. Cet infléchissement notable accrédite l’idée d’une proximité entre Sénèque et Saint Paul et correspond donc à un choix herméneutique fort. Solveig Kristina Malatrait consacre son étude aux premières traductions allemandes de Térence (xvie siècle). Elle montre que les traductions qui sont souvent réduites à une entreprise pédagogique recèlent une visée esthétique. Même si les paratextes exhibent une approche didactique, ils comportent des indications de lecture visant à faire ressortir la théâtralité du texte et à restituer les effets liés à la représentation spectaculaire. Le commentaire de traduction renferme ainsi des fonctions multiples, dont la coexistence permet un glissement vers une appropriation générique de l’objet théâtral. Par la suite, V. Lochert s’attache à l’étude des gravures qui accompagnent les traductions des textes antiques (xvie‑xviie siècles). Ces documents insérés dans le dispositif éditorial encadrant la traduction constituent une médiation vers les pratiques scéniques : ils permettent la visualisation ou l’explication des possibles transcriptions concrètes du texte écrit. Cet usage performatif des images, intense dans les premières traductions, tend à s’amenuiser au fil du temps, lorsque le texte antique perd de son étrangeté au regard des modernes. Pour clore ce chapitre, Florence d’Artois s’interroge sur un cas exceptionnel dans le contexte espagnol : la traduction par González de Salas des Troyennes d’Eschyle (1633), adossée à un commentaire de la Poétique d’Aristote. Elle montre comment la traduction combine une approche philologique traditionnelle avec une adaptation aux exigences de la scène moderne faisant écho à la curiosité pour le théâtre moderne qui affleure discrètement dans le texte théorique antéposé. La traduction révèle la théâtralité du texte antique et le modernise tout à la fois, comment pour jeter un pont entre le Siècle d’Or espagnol et le corpus antique — l’entreprise s’avèrera vaine, tant il est vrai que dans les années 1630, le modèle irrégulier de la comedia a durablement évincé toute possibilité de théâtre néo-classique.
5Cette section offre plusieurs témoignages des modifications des pratiques philologiques vers des procédures plus herméneutiques associées à la traduction, qui prennent des formes différentes : réécriture du texte, commentaire paratextuel, insertion dans un dispositif éditorial composite où le texte traduit dialogue avec des images ou avec un écrit théorique. Après ce chapitre centré sur le moment de transition que constitue la période allant de la fin du xve au milieu du xviie siècle en Europe, l’ouvrage se concentre presque exclusivement2 sur l’aire française entre la deuxième partie du xviie et le xviiie siècle, pour s’intéresser dans un premier temps aux enjeux spécifiques soulevés par la traduction des comédies antiques.
Interpréter la comédie
6Florence de Caigny étudie la traduction des six comédies de Térence par Marolles (1659). Elle montre qu’il s’agit pour l’abbé de rendre Térence lisible pour un lecteur du xviie siècle, en éclairant les éléments culturels susceptibles d’être obscurs. Les explications prennent parfois une tournure plus technique, lorsque Marolles livre des propos sur la dramaturgie des pièces : remarques sur les personnages protatiques, sur les débuts in medias res, ou mise en évidence de la composition de l’intrigue. Les termes employés, tels que ceux de vraisemblance, bienséance, unités, trahissent un regard modelé par les critères contemporains, qui deviennent le pivot d’un dialogue avec les théoriciens de l’époque. Ariane Ferry, en s’attachant aux traductions de Plaute publiées par le même Marolles (1658), met également l’accent sur le dialogue que l’abbé mène, à travers les notes et les remarques de son édition, avec des autorités telles que La Mesnardière et d’Aubignac. Elle déploie la visée double de l’ouvrage qui, pour toucher le public mondain, donne un air galant aux traductions et à leurs commentaires, tout en s’inscrivant dans une perspective clairement érudite. Son édition bilingue comporte un apparat critique très développée, et engage notamment une réflexion sur les effets de connivence entre la fiction et son public qui l’amène à rectifier certains positions de d’Aubignac, sans toutefois le contester systématiquement.
7Pierre Letessier observe la manière dont Mme Dacier, par la division en actes qu’elle impose à ses traductions des comédies de Plaute (1683), leur prête un fonctionnement dramaturgique classique au prix d’un façonnage correspondant à une véritable position herméneutique. Redécoupant le texte, elle procède à une épuration de ses grossièretés et de ses archaïsmes qui constitue une authentique réécriture. Enfin Catherine Volpilhac-Auger s’intéresse aux traductions françaises d’Aristophane au xviiie siècle. Après une fin de xviie siècle où le poète grec attirait des critiques virulentes, le xviiie siècle perpétue sa réputation de grossièreté et d’obscénité, mais il lui consacre nettement plus de traductions. L’article montre que ces traductions portent les contradictions inhérentes à la tension entre la perception d’une étrangeté foncière du texte grec et le désir de le rendre malgré tout représentable pour les spectateurs du xviiie siècle.
8Les quatre études de ce deuxième chapitre reflètent une mise en perspective des Antiques au regard des critères esthétiques et moraux de la période classique. La troisième section, qui concerne les traductions de tragédies, reconsidère les questionnements sur l’étrangeté et l’absence de bienséances des textes antiques de manière plus aiguë encore.
Interpréter la tragédie
9L’étude de Tiphaine Karsenti sur les traductions françaises de l’Électre de Sophocle (xvie‑xviiie siècle) reflète l’évolution des présupposés esthétiques qui conditionnent la réception de l’effet théâtral. Tandis que Lazare de Baïf (1537) valorise la force de l’elocutio, André Dacier (1692) et Brumoy (1730) écrivent leur traduction sur fond de Querelle des Anciens et des Modernes et infléchissent le texte grec dans le sens de l’idéal classique. Ils comblent la distance entre le texte antique et le public contemporain afin de procurer à ce dernier un sentiment d’évidence face à la perfection dramatique du texte ancien. Tous deux usent donc de la traduction comme d’une arme polémique, mais si le premier est guidé par l’idéal illusionniste fondé sur la vraisemblance, le second défend une théâtralité reposant sur l’impression sensible, que permet notamment l’accent mis sur les sentiments. Cette évolution fait donc de la traduction la caisse d’enregistrement des mutations touchant le goût esthétique et les conceptions de la théâtralité.
10Marie Saint-Martin s’attache aux traductions les plus tardives de la même pièce (fin xviie‑xviiie siècles) pour y déceler une opposition grandissante au matricide, que trahit une réécriture de la pièce de Sophocle de plus en plus conditionnée par les bienséances. Elle montre que la dénaturation des caractères mis sur la scène se voit absorbée par les traductions qui parviennent à ériger la pièce en modèle pour la scène moderne. L’analyse des traductions anglaises, françaises et italiennes du Thyeste par Zoé Schweitzer témoigne encore de la confrontation des traducteurs à une violence extrême. Les traductions oscillent entre fidélité, censure et commentaires visant à accompagner un lecteur risquant d’être choqué par le texte antique. La réception est de toutes manières canalisée par une interprétation qui a tendance à édulcorer l’original.
11Ces exemples témoignent de l’effet herméneutique produit par la confrontation à une Antiquité dont l’assimilation requiert des procédures d’adaptation variées. La dernière partie revient sur les modes de gestion de cet écart esthétique et culturel.
Lectures de l’œuvre antique & théories du théâtre moderne
12Les deux premiers articles du chapitre abordent des reprises de pièces antiques dont la matière thématise l’enjeu herméneutique qui les structure ou le rapport d’imitation qui les fonde. Enrica Zanin étudie les traductions françaises et italiennes de l’Œdipe-Roi de Sophocle et de l’Œdipe de Sénèque pour montrer comment, écrivant une version moderne de la quête herméneutique du héros, les traducteurs expriment leur conception de l’interprétation et du rapport au vrai. Le type de prise de conscience qui s’opère au moment de la reconnaissance finale constitue le nœud logique où se dit le mode herméneutique privilégié : guidé par la grâce divine ou clarifié par un dispositif allégorique au tournant des xvie et xviie siècles (dell’Anguilara et Prévost), puis formulé en réponse à la crise de l’épistémè, à l’aune du rationalisme chez Corneille et d’une reconnaissance du caractère énigmatique du monde chez Tesauro. Jean-Yves Vialleton montre que les discours philologiques sur les pièces perdues d’Euripide éclairent la cohérence secrète de l’Examen d’Andromède par Corneille, et permet de considérer le livret de Phaéton de Quinault comme une reconstitution archéologique. Les pièces perdues de l’Antiquité apparaissent donc comme une source de création des genres modernes que sont la tragédie à machines et la tragédie lyrique. Les deux œuvres du xviie siècle, dont le sujet est l’imitation et le désir de remplacer une instance supérieure, thématisent le geste créatif dont elles sont issues.
13Les deux derniers articles abordent la question de la représentation. Lise Michel montre l’importance du commentaire scénique dans les Remarques de Dacier sur l’Œdipe de Sophocle (1692). Elle dévoile comment ces propos servent la position des Anciens, dans la mesure où ils permettent de restituer fidèlement l’original et de convaincre le lecteur de la supériorité de l’œuvre antique. Enfin, Laurence Marie analyse la place prise par le spectacle au sein des traductions françaises, anglaises et allemandes de Plaute et Térence parues au xviiie siècle. Elle analyse comment la comédie est alors considérée comme un modèle de théâtre visuel par les théoriciens. Les commentaires dramaturgiques qui accompagnent les traductions constituent des arguments en faveur d’une réforme du théâtre valorisant la représentation. À travers ces deux dernières études on voit comment les traductions deviennent une caisse de résonance et un outil en contexte polémique ou expérimental.
Temporalités de la traduction
14On perçoit donc ce qui fait l’intérêt et l’homogénéité de l’angle choisi pour ce volume collectif : l’objet — un théâtre perçu comme tel — et le moment — celui d’une attention nouvelle portée à la théâtralité — font de la traduction de ces œuvres le révélateur et le lieu de formulation oblique de préoccupations toutes contemporaines touchant notamment les limites de la mimèsis et de l’opsis. L’origine antique de ce théâtre le positionne également au cœur de la brûlante Querelle des Anciens et des Modernes, pour laquelle il pourra être instrumentalisé et devenir une arme polémique, susceptible de démontrer la supériorité des anciens ou, à l’inverse, la nécessité de les polir pour s’adapter aux mœurs et aux attentes esthétiques modernes. Cette résonance avec les débats contemporains fait des traductions un lieu de théorisation dont le volume prouve la fécondité et l’intérêt, qu’il s’agisse de l’article de M. Saint‑Martin sur la question des bienséances dans les traductions tardives d’Électre, celui de Z. Schweitzer sur les limites du représentable dans la, ou par exemple celui d’A. Ferry sur l’aparté et la métathéâtralité dans la comédie.
15En dépit de cette homogénéité, on sent que plusieurs logiques chronologiques sont à l’œuvre dans la période considérée : on note d’abord une part croissante au fil du temps pour les questions de transcription scénique. Elles se cristallisent pleinement dans l’article de Laurence Marie, qui montre que la traduction est au xviiie siècle le lieu d’une expérimentation nouvelle sur la théâtralité, bien plus nette et marquée qu’au siècle précédent. Par ailleurs, si l’altérité culturelle portée par les pièces antiques est d’emblée questionnée, c’est véritablement autour et en amont de la Querelle toute française des Anciens et des Modernes qu’elle se formule le plus clairement dans les traductions. Ceci explique la forte présence dans le volume des traductions de Marolles qui prendra part à la querelle en 1677, après ses traductions, et de celles des époux Dacier, contemporaines des débats. Il y a donc des moments plus fertiles ou plus polarisés sur certaines questions que d’autres, ce qui ne signifie pas que l’herméneutique induite par la traduction dans les périodes antérieures soit plus pauvre : mais elle est sans doute plus protéiforme au xvie et dans la première partie du xviie siècle.
Deux régimes herméneutiques : interprétation métatextuelle & interprétation masquée
16Un aspect qui semble également saillant à la lecture du volume est l’émergence de deux modalités herméneutiques distinctes : celle qui s’élabore dans les paratextes des traductions, et celle qui s’effectue dans les traductions proprement dites. Et il semble que la nature même du travail herméneutique diffère profondément selon les lieux de son élaboration. En somme, l’herméneutique révélée dans les paratextes rejoint la fonction fréquemment métatextuelle de ces marges3. D’ailleurs certains paratextes, tel le volumineux commentaire du traducteur allemand Hans Nythart, conjuguent commentaire général et propos sur le geste traducteur proprement dit. Le traducteur devient parfois presque un commentateur comme un autre, même si son travail de traduction semble lui avoir conféré une connaissance particulièrement intime du texte et l’avoir sensibilisé aux questions pratiques de mise en espace par exemple. Le cas de Marolles est exemplaire de ce double usage possible du discours préfaciel et des notes : si une part conséquente de ses prises de paroles concerne la manière dont il entend transmettre les comédies latines aux modernes, d’autres privilégient des réflexions poéticiennes modelées par des références aux théoriciens contemporains.
17Ce double investissement des marges de la traduction suggère que la position de traducteur octroie une vision particulièrement aiguë des enjeux portés par les textes et occasionne la production d’une herméneutique souvent liée à la mise en dialogue des époques et des esthétiques. Dans ce cas de figure, le traducteur utilise des modes d’énonciation proches de ceux mobilisés pour le commentaire philologique et détournés à des fins plus interprétatives qu’exégétiques. Toutefois, il ne faudrait pas croire que les paratextes constituent les seuls lieux de cette herméneutique du traducteur, puisque la traduction elle-même est porteuse d’une interprétation lorsque la traduction infléchit l’original. Il semble que ce soit l’apport le plus décisif de l’ouvrage. Rappelons le cas des traductions italiennes qui introduisent une perspective chrétienne dans les pièces de Sénèque, accréditant l’idée d’une correspondance entre le dramaturge et Paul (J.‑F. Chevalier). C. Volpilhac-Auger évoque également des traductions d’Aristophane qui réinterprètent les comédies comme des chroniques historiques. Le traducteur est alors un herméneute masqué, puisqu’il intervient sur le texte original sans nécessairement le dire, ou sans que ses modulations ne correspondent à ce qu’il dit faire dans sa préface et ses notes. Il existe en effet parfois un hiatus entre l’herméneutique de la traduction et l’herméneutique du traducteur, livrée dans les paratextes. Pensons à l’exemple de Linage livré par Z. Schweitzer : alors que la dédicace revendique un travail de clarification, les modifications lexicales opérées dans la traduction obéissent plutôt à une édulcoration de la violence d’Atrée. On peut également mentionner la traduction allemande dite « de Strasbourg » de Térence, dont le paratexte affiche une visée pédagogique (notamment par un index des enseignements moraux) mais dont la traduction est centrée sur l’effet esthétique, ou les traductions de Térence par Valentin Boltz, qui revendique une absolue fidélité à l’original dans sa préface, mais pratique l’expurgation à des fins morales dans sa traduction. Ces disparités attestent bien que l’herméneutique masquée de la traduction n’est pas toujours dicible, et obéit à des motivations plus secrètes que l’herméneutique explicite formulée par le traducteur.
18Il faut ainsi considérer les commentaires de traducteur qui, par leur portée herméneutique, concurrencent les pratiques philologiques. Mais il existe aussi une herméneutique moins aisément situable, plus labile et insaisissable, qui s’intrique dans le texte même, dont elle devient inséparable. La traduction constitue alors simultanément le texte et son interprétation. Il semble que ce deuxième cas de figure soit le plus passionnant, parce que le traducteur, herméneute masqué, en vient à concurrencer l’auteur. Il livre finalement une nouvelle œuvre : l’ajout de vers dans les traductions italiennes, l’atténuation de la dénaturation de la maternité dans les traductions d’Électre, ou l’ajout d’un monologue dans une traduction anglaise de Thyeste révèlent le travail d’une herméneutique créatrice, qui substitue un texte à un autre.