"Claude-Nicolas Ledoux dans le texte : Lectures de L’architecture considérée sous le rapport de l’art, des moeurs et de la législation (1804)." Colloque de clôture du projet Ledoux 2020-2023 (Labex Les Passés dans le Présent, Université Paris-Nanterre)
Claude-Nicolas Ledoux dans le texte :
Lectures de L’architecture considérée sous le rapport de l’art, des moeurs et de la législation (1804)
Colloque de clôture du projet Ledoux 2020-2023
Architecture, littérature, philosophie et société au tournant des Lumières : L’Architecture considérée sous le rapport de l’Art des mœurs et de la législation de Claude-Nicolas Ledoux, une édition numérique.
(Labex Les Passés dans le Présent, Université Paris-Nanterre)
1er, 2 et 3 juin 2023 - Saline royale d’Arc-et-Senans
L’Architecture considérée sous le rapport de l’Art, des mœurs et de la législation, que l’architecte Claude-Nicolas Ledoux fait paraître en 1804, deux ans avant sa mort, est l’ouvrage le plus célèbre et le texte plus fascinant de toute l’architecture moderne européenne. Premier tome d’une oeuvre monument qui devait en compter cinq, cet ouvrage testamentaire au “style magique et poétique” (Cellerier) fait figure de véritable OVNI dans la production architecturale de l’époque. Ledoux y travaille pendant trente années pour l’élaboration de l’illustration (près de 500 planches, dont 125 publiées en 1804), et pendant près de dix ans pour établir un texte de 240 pages. Il conçoit ainsi une œuvre à la mesure de son ambition artistique totale. Or, parmi l’immense bibliographie et historiographie sur Ledoux, essentiellement consacrée à l'œuvre bâti et projeté, le livre lui-même et le texte de L’Architecture… n’ont que rarement fait l’objet d’études approfondies et a fortiori exclusives. Quant aux études littéraires, pourtant en pleine réévaluation de cette période du tournant des Lumières, elles l’ont plutôt négligé.
Dans la lignée des travaux pionniers de Béatrice Didier (qui avait tenté, la première, de situer la plume de Ledoux dans le contexte littéraire du tournant des Lumières), de Mona Ozouf (qui s’intéressa à la représentation livresque de Chaux) et des grandes analyses de Daniel Rabreau (qui a replacé l’écriture mythologique et poétique dans le projet esthétique global de Ledoux), ce colloque se propose de jeter toute la lumière possible sur le livre, la représentation de l’architecture, le texte et l’écriture de Ledoux, dans une approche et un esprit résolument interdisciplinaire, seule démarche à même, par le croisement des regards d’historiens, d’historiens de l’art, d’historiens des idées, de spécialistes de littérature ou de rhétorique…, de percer la densité et l’épaisseur des strates de sens de ce livre hiéroglyphe.
Cette rencontre plurielle, autour du texte de Ledoux, est le point d’aboutissement d’une démarche collective qui a engagé une quinzaine de chercheurs au sein du projet LEDOUX 2020-2023 du Labex Les Passés dans le Présent (université de Paris-Nanterre) dans la réalisation d’une édition scientifique et collaborative de l’Architecture, comportant un double volet, papier et numérique.
Accueilli par la Saline d’Arc-et-Senans, institution partenaire du projet LEDOUX, le colloque sera donc l’occasion de partager les acquis de ce travail collectif et de l’enrichir en l’ouvrant aux apports de chercheurs extérieurs.
Ces lectures de Ledoux, pourront, sans exclusive, explorer les dimensions suivantes :
La fabrique du texte de L’Architecture
Au-delà de la chronologie globale proposée par Gallet et Vidler, qui situe la rédaction entre son emprisonnement à la Force pendant la Terreur et le début du XIXe siècle, comment retracer une généalogie du texte de Ledoux ? Comment L’Architecture trouve-t-elle à s’inscrire dans un réseau d’autres textes connus de Ledoux (le Manuscrit Calonne, les extraits de la correspondance ou encore le Prospectus de 1803) qui pourraient en éclairer la genèse et la singularité ?
Quels éclairages peut apporter l’analyse du vaste réseau d’intertextes qui travaille L’Architecture et qui attend encore de véritables enquêtes d’archéologie textuelle et culturelle ? Entre Anciens (Homère, Ovide, Virgile, Plutarque, Lucien, Cicéron, César, Tacite…) et Modernes (La Fontaine, Fénelon, Diderot, Voltaire, mais aussi Shakespeare, Milton, Thomson, ou encore Gresset ou Gluck…), entre influences (d’une forme, d’un genre..), réécritures (d’un topos, d’un motif) voire reprises et citations (d’un extrait, d’un passage…), quelles formes prennent ces réappropriations littéraires multiples ? Comment participent-elles concrètement de la fabrique de l’imaginaire esthétique et historique ? Sous l’empreinte fièrement revendiquée que l’architecte laisse dans la pierre, quelle figure de l’écrivain ces emprunts, plutôt souterrains, dessinent-ils ? Et pour quels lecteurs ? Des “enfants chéris d’Apollon”, auxquels Ledoux s’adresse explicitement, jusqu’aux lecteurs d’aujourd’hui, comment a-t-on lu et lit-on encore Ledoux ? Avec quelle culture ? Pour quelle expérience ?
La fabrique des idées : Ledoux, penseur des Lumières ?
L’Architecture peut bel et bien être envisagée comme une formidable chambre d’échos, au crépuscule du siècle, de la pensée des Lumières. On pourra dès lors s’interroger sur les façons dont se diffusent et se cristallisent, dans le texte, ces grands courants de pensée qui traversent le demi-siècle : le sensualisme, auquel sont acquis de nombreux architectes, l’héritage encyclopédiste, la sensibilité rousseauiste, la pensée économique et physiocratique, la religion comme morale...
Dans quelle mesure Ledoux fait-il siennes ces idées partagées par le siècle ? Avec quelle singularité et quelle solidité ? Quel type de philosophe est-il ?
La fabrique des images : fiction et figurations
Les réflexions pourront aussi se réunir autour de la notion centrale d’image, au carrefour des enjeux propre à l’écriture, à l’illustration et à la théorie de la création artistique.
De quelle manière l’image travaille-t-elle en profondeur l’écriture et la langue de Ledoux ? Avec quels héritages rhétoriques ? Quels usages de l’univers mythologique ? Selon quelles modalités stylistiques (innovations lexicales, constructions syntaxiques) ? Pour quels réseaux de sens, entre unité et dissémination ?
Comment l’imagination (celle de l’architecte comme celle du lecteur) s’invite-t-elle au cœur du pacte de fiction qui commande le récit (avec le périple romanesque du voyageur) ou encore la description (avec le recours incessant à une esthétique du tableau, qu’on pourra interroger) ?
Enfin, quels types de relations les images textuelles entretiennent-elles avec les images gravées ?
L’histoire et la théorie des arts et de l’architecture
Comment situer l’entreprise éditoriale de Ledoux dans l’histoire du livre et de la théorie d’architecture, tant à l’époque moderne (une histoire qui reste d’ailleurs à écrire, malgré des travaux consacrés à l’Italie ou encore l’Angleterre) qu’au début du XIXe siècle, (période charnière pour l’édition en général et le livre d’architecture en particulier) ? Que représente L’Architecture, entre le Livre d’architecture de Boffrand (1745), les grandes monographies de la fin du XVIIIe siècle, comme la Description des écoles de chirurgie de Gondouin (1780), et les recueils de modèles du début du siècle suivant, comme l’Architecture civile de Dubut (1803) ou les recueils de Krafft, et les ouvrages pédagogiques, comme le Précis des leçons d’architecture de Durand (1802-1805) ? Quels liens le projet de Ledoux entretient-il avec d’autres écrits théoriques, aux ambitions parfois littéraires, comme les textes de Boullée et les Lettres sur l’architecture de Viel de Saint-Maux (1779), par exemple ?
Mais c’est aussi le rapport que l’architecte entretient avec l’Antiquité et les œuvres modernes, la Renaissance italienne et la création française des XVIIe et XVIIIe siècles, qu’il est possible d’examiner plus précisément à la lecture fine du texte de L’Architecture. Quelle est donc la culture architecturale de Ledoux ? Est-elle simplement livresque pour ce qui regarde les sites et édifices lointains ? N’a-t-il jamais vraiment fait l’expérience des sites antiques et des monuments modernes qu’il décrit à l’appui d’une démonstration ? Enfin, comment s’exprime, dans son texte, l’admiration inspiratrice qu’il porte aux peintres, aux sculpteurs, mais aussi l’intérêt qu’il montre pour l’art des jardins ?
Les propositions de communications (3000 signes maximum) sont à envoyer avant le 31 décembre 2022.
à : fabrice.moulin@parisnanterre.fr, dominiquemassounie@gmail.com
Comité d’organisation
Fabrice Moulin, Paris-Nanterre, CSLF (litt&phi / ILHAM)
Dominique Massounie, Paris-Nanterre, H-Mod/HAR
Isabelle Sallé, Saline royale d’Arc-et-Senans
Comité scientifique
Emmanuel Chateau-Dutier, professeur agrégé, université de Montréal
Marianne Cojannot-Le Blanc, professeure, université Paris-Nanterre
Michel Delon, professeur émérite, université Paris-Sorbonne
Colas Duflo, professeur, Paris-Nanterre, IUF
Hugues Marchal, professeur-assistant, université de Bâle, IUF
Elise Pavy-Guilbert, maîtresse de conférences, université Bordeaux-Montaigne, IUF