
Qu’entend-on par "chromo" ? Une peinture médiocre ? Une photo de mauvais goût ? Le contraire du chef-d’œuvre ? Une image "kitsch", et donc chargée d’un charme populaire ? Dans Chromo de bazar. Le tableau du pauvre (Hazan), Emmanuel Pernoud mène l'enquête sur la chose et le mot. La chose est une invention de l’imprimerie au XIXe siècle, permettant de produire en nombre des imitations de peintures. On parle de "chromos de bazar" pour désigner ces reproductions d’huiles sur toile – natures mortes, marines ou paysages – vendues tout encadrées dans les grands magasins et les quincailleries. Le mot, lui, est un terme de critique d’art. Il sert à dénigrer, métaphoriquement, les sous-produits de l’art qui envahissent le marché. Il sous-entend vulgarité, banalité et facticité et a partie liée avec la culture de masse : de chromos sont qualifiés les films de Walt Disney, le réalisme socialiste, les romans de gare. Entre les deux, c’est toute une histoire du goût qui se déploie, nous invitant à interroger les objets qui peuplent notre intimité et à revisiter les définitions de l’art.