
Paul Decottignies donne à lire aux éditions Arfuyen la première traduction de Les Héritiers du monde (The Inheritors) publié en 1901 par Joseph Conrad avec Ford Madox Ford, juste après les deux des chefs-d’œuvre que sont Au cœur des ténèbres (1899) et Lord Jim (1900). Avec une étonnante maestria, Conrad et Ford tissent une intrigue à trois niveaux : un financier philanthrope et mégalomane mène une campagne inter-nationale pour exploiter les ressources du Groenland ; un noyau d’activistes cherche à compromettre le gouvernement britannique pour discréditer sa "politique de la raison" ; par un subtil jeu d’échecs, une femme fascinante et cynique les manœuvre tous à ses propres fins.… Un récit prophétique et haletant qui dénonce les techniques de désinformation et de manipulation qui, d’un populisme à l’autre, ne cessent de menacer les démocraties, et dont personnage central des Héritiers du monde, est fortement inspiré du roi Leopold II, « sorte de philanthrope mégalomane » qui pillait sans scrupule cette terre devenue son bien personnel. Le Groenland du roman transpose ces souvenirs du Congo. Rappelons, déjà saluée par Fabula, la réédition par "Les Cahiers de la NrF" de l'hommage rendu au romancier anglais par La Nouvelle Revue française au lendemain de sa disparition en 1924.