
L’expression poétique et sa transmission dans les cultures occitane et amazighe (Agadir, Maroc)
Faculté des Langues, des Arts et des Sciences Humaines (CUAM)
Université Ibn Zohr - Agadir
Colloque international
« L’expression poétique et sa transmission dans les cultures occitane et amazighe »
Agadir, les 13 et 14 novembre 2025
Coordination : Marie-Anne CHÂTEAUREYNAUD, Tijani SAADANI et Zahra TAIFOUR
L’activité poétique est une pratique inhérente à la vie culturelle de toute communauté ou société. Elle se base sur le travail de la langue pour répondre aux besoins de la collectivité, notamment le besoin esthétique et cohésif. Tous les peuples ont une utilisation particulière du langage qui correspond à ce qui est communément appelé « poésie » (Jean-Louis Joubert, 2006). En matière d’expression poétique, les mots sont porteurs de significations particulières et vecteurs d’un pouvoir enchanteur qui n’est pas sans effet sur l’auditoire. Pour les langues en usage dans des contextes socio-culturels peu favorables, l’expression poétique n’est pas une simple activité créatrice soucieuse de sa valeur esthétique, elle est le facteur de la survie de la langue qu’elle emploie et de la transmission des valeurs culturelles. C’est le cas de la poésie occitane et de la poésie amazighe qui appartiennent à deux aires géographiques différentes et se distinguent par leurs prosodies singulières.
La poésie occitane s'étend sur plus de mille ans, depuis le Moyen Âge jusqu'à l'époque contemporaine. Au Moyen âge, considéré comme l’âge d’or, c’est en particulier avec l’avènement de la fin amor (amour courtois) que s’illustre la poésie de langue d’oc. De Guilhèm IX d’Aquitaine (XIe siècle.) jusqu’à Raimon de Cornet XIVe siècle., environ 350 troubadours et troubairitz composent poèmes et musique. Accueillis et révérés dans de nombreuses cours européennes, les troubadours font rayonner l’occitan, qui est alors une langue vernaculaire, mais aussi juridique et poétique. Cette poésie médiévale continue ensuite d’irriguer la création moderne et contemporaine, elle constitue une source à laquelle reviennent, sans cesse, les poètes de siècles suivants.
À la Renaissance, les territoires occitans sont en grande partie rattachés au royaume de France, et c’est le français qui occupe les fonctions de prestige. Mais d’abord en Gascogne, en Provence, à Toulouse de grands auteurs continuent de composer en langue d’oc comme Pèir de Garros, Bellaud de la Bellaudière et Godolin. Ainsi, malgré la concurrence linguistique, la perte de la graphie médiévale et la dépréciation de la langue, des auteurs variés (sur l’ensemble du territoire d’oc) que l’on rattache aujourd’hui au mouvement baroque européen, poursuivent l’aventure poétique. La période romantique favorise ensuite un regain littéraire d’oc avec Fabre d’Olivet ou La Fare Alais, précurseurs d’une poésie ancrée dans son siècle qui voit aussi l’apparition de poètes ouvriers, comme Jasmin à Agen qui a connu un succès national ou le chansonnier Victor Gélu à Marseille.
C’est au XIXe siècle que Frédéric Mistral, Théodore Aubanel et Joseph Roumanille (entre autres) fondent le félibrige pour défendre et illustrer la langue d’oc. Ils sont aussi à l’origine d’une œuvre poétique exceptionnelle. Mirèio, de Mistral, poème épique en douze chants est une œuvre majeure. Et il reçoit le prix Nobel de littérature en 1904. Au XXᵉ siècle, même si la pratique de la langue et la transmission intergénérationnelle diminue, de nombreux auteurs tels que Bernard Manciet, Max Rouquette, Max Philippe Delavouët ou Marcelle Delpastre ont joué un rôle essentiel dans le renouveau de la poésie occitane, en explorant les thèmes de la nature, de l'identité et de la condition humaine, et en repoussant les limites du langage, attentifs aux courants littéraires de leur époque tout autant qu’à la littérature orale populaire.
C’est aussi à travers la chanson au XXe et XXIe siècles que la poésie s’exprime ; la vitalité culturelle occitane évolue en intégrant diverses influences mais demeure un vecteur important de transmission et d’appropriation de l’occitan par les néo-locuteurs, un lieu de partage pour ouvrir les horizons. La « Lenga d’òc, lenga de poësia » [Langue d’oc, langue de poésie] (Gardy, 2002) est actuellement portée par une nouvelle génération qui explore d’autres espaces de création (notamment de nombreuses plumes féminines comme Estelle Ceccarini ou Aurelia Lassaque, entre autres) et recompose le monde en une langue choisie, source de liberté et d’émancipation.
Pour l’amazigh, la poésie constitue l’élément central de la production littéraire dont les origines plongent dans des temps très anciens. Elle est pratiquée dans toutes les régions amazighes et constitue un moyen fondamental de transmission de contenus intellectuels, émotionnels, ainsi que des valeurs sociales et morales. Par conséquent, le poète a un statut privilégié au sein de la société amazighe, étant le détenteur des arcanes de la parole mesurée dotée de pouvoirs esthétique et persuasif. La poésie est intimement liée au milieu social du poète et à son environnement culturel, d'où il tire ses images. Ainsi, les grands poèmes transmis par les membres de la communauté représentent l'âme de celle-ci ainsi que sa vision du monde.
Malgré les variations inter-dialectales qui caractérisent les communautés amazighes ainsi que les distinctions géographiques propres à leurs territoires, la circulation des poèmes s'effectue, le plus souvent, aisément entre les différentes zones amazighophones (Michaël Peyron, 1991). Les Amazighs se reconnaissent dans les productions littéraires des uns et des autres et apprécient les créations poétiques issues de communautés parfois éloignées. Il faut noter, néanmoins, que l’intercompréhension entre certaines zones amazighophones éloignées n’est pas toujours assurée.
Il est ardu de retracer l'évolution de cette poésie, étant donné que la transmission de cet héritage s'effectue oralement, ce qui ne favorise pas la conservation des productions poétiques au fil des siècles. Les œuvres les plus anciennes qui nous sont parvenues sont celles sauvegardées par quelques passionnés lettrés ou gravées dans la pierre durant des temps immémoriaux. Au XXe siècle, sous le protectorat français, des enseignants et des agents des affaires indigènes ont transcrit des poèmes datant du début du siècle, notamment Arsène Roux (1928) et François Reyniers (1930). Avec l'avènement de l'enregistrement sonore, de nombreux poèmes ont été ainsi légués à la postérité.
L'ancrage de la poésie amazighe dans son contexte socio-culturel n’est pas à démontrer. Cette production, qui s'exprime principalement par le biais de l'oralité, est intimement liée à tous les aspects de la vie collective ainsi qu'aux rassemblements et événements d'une grande portée symbolique. Son caractère mélodieux constitue une marque d'originalité et de distinction, reflétant ses relations avec d'autres formes d'art telles que le chant, la musique et la danse (Bounfour, 1999). Depuis des temps immémoriaux, cette poésie continue d'évoluer tant dans sa forme que dans son contenu, offrant ainsi une multitude de possibilités de réception (Paulette Galand-Pernet, 1998).
La composition des poèmes en amazigh s'inscrit dans des conditions particulières de production orale et de réception immédiate. La transmission et la communication, inhérentes à l’oralité, nécessitent une clarté du langage qui privilégie une forme mettant en lumière la fonction phatique du discours, en multipliant les procédés facilitant cette interaction. Par conséquent, l'espace discursif en oralité se distingue par sa richesse et la diversité de ses techniques formelles. La création de la poésie amazighe repose sur un souci pédagogique qui prend en compte les exigences propres à l’oralité.
Ce colloque qui sera organisé les 13 et 14 novembre 2025 à la Faculté des Langues, des Arts et Sciences Humaines de Aït Melloul (Maroc) par un ensemble de laboratoires affiliés à de nombreux établissements universitaires marocains et français permettra non seulement d’explorer la question de la création poétique en occitan et en amazigh mais aussi de s’intéresser aux modes et aux défis de sa transmission dans un contexte sociolinguistique complexe et ce, à partir des axes suivants :
1 - Statut de la poésie dans les contextes socioculturels défavorables
Statut et contextes sociolinguistiques de la poésie dans les littératures amazighe et occitane (d’un point de vue diachronique et synchronique)
Poésie et identité : l’expression poétique comme vecteurs des traditions culturelles et support de réactualisation de la mémoire historique
La poésie occitane et amazighe entre langage et métalangage : modes de composition, d’émission de de réception
2– La poésie entre la musique et le chant
La poésie occitane et amazighe : la performance entre tradition des troubadours et modernité
La composante métrique et rythmique : la mélodie indissociable de la déclamation
La poésie chantée et accompagnement instrumental
Les avatars de la poésie à l’ère des influences multiples
3 - La transmission et la pérennisation de l’expression poétique
· Modes de transmission de la poésie
· Transmission du patrimoine poétique : dimensions littéraires et enjeux pédagogiques
· Poésie et identité culturelle : réappropriation et promotion de la tradition poétique
· Place de la poésie occitane et amazighe en classes du primaire /secondaire/universitaire
· Poésie dans la littérature de jeunesse : pour une exploitation pédagogique
· Apport de la poésie à l’apprentissage et à la maîtrise des langues maternelles / locales
· Pratiques d'écriture poétique en classe (développement de la créativité poétique des élèves)
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Comité scientifique
Abdelmottaleb ZIZAWI (FLSH, Université Ibn Zohr, Agadir – Maroc)
Addi BAGRI (CRMEF, Marrakech - Maroc)
Aïcha BARA (FLASH CUAM, Université Ibn Zohr, Agadir - Maroc)
Cécile NOILHAN (Université Toulouse Jean-Jaurès - France)
Daniela MEROLLA (LACNAD, INALCO – France)
Driss RABIH (ESEF, Université Sultan Moulay Slimane – Maroc/LACNAD, INALCO- France)
Fatima BENSAID (FLSH, Université Ibn Zohr - Maroc)
Fatima FAIZ (FLSH, Université Ibn Zohr – Maroc)
Jean-Marie SARPOULET (Rectorat des académies de Bordeaux et Limoges - France)
Katy BERNARD (Université Bordeaux Montaigne France)
Lahsen ABOUMOUNIR (FLASH CUAM, Université Ibn Zohr, Agadir – Maroc)
Lahoucine BOUYAAKOUBI (FLASH CUAM, Université Ibn Zohr - Maroc)
Laurent ALIBERT (Université Paul-Valéry, Montpellier - France)
Marie- Jeanne VERNY (Université Paul-Valéry, Montpellier - France)
Marie-Anne CHÂTEAUREYNAUD (Université de Bordeaux - France)
Marjolaine RAGUIN (Université Toulouse Jean-Jaurès -France)
Maryeme OUCHEN (FLASH Cuam, Université Ibn Zohr - Maroc)
Mohammed AFAKIR (FLSH, Université Ibn Zohr - Maroc)
Moulay Hachem (JARMOUNI (FLSH Fès-Saïs -Maroc)
Mustapha EL ADAK (Université Mohamed 1er, Oujda – Maroc)
Mustapha KHAROUA (FLASH CUAM, Université Ibn Zohr - Maroc)
Rachid JADAL (FLASH, CUAM, Université Ibn Zohr - Maroc)
Saffa OUFASKA (ESEF, Université Sultan Moulay Slimane– Maroc/LACNAD, INALCO, France)
Sylvan CHABAUD (Université Paul-Valéry, Montpellier - France)
Tijani SAADANI (EST, Université Sultan Moulay Slimane – Maroc)
Zahra TAIFOUR (FLASH, Université Ibn Zohr - Maroc)
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Comité d'organisation
Abdallah LISSIGUI (FLASH, CUAM, Université Ibn Zohr-Maroc)
Addi BAGRI (CRMEF, Marrakech - Maroc)
Aziz BELKAZ (FLASH, CUAM, Université Ibn Zohr - Maroc)
Aîcha BARA (FLASH, CUAM, Université Ibn Zohr - Maroc)
Driss RABIH (ESEF, Université Sultan Moulay Slimane – Maroc/LACNAD, INALCO- France)
Fatiha AFRYAD (FLASH, CUAM, Université Ibn Zohr-Maroc)
Fatiha MAKACH (FLASH, CUAM, Université Ibn Zohr-Maroc)
Jamila AHNOUCH (FLASH, CUAM, Université Ibn Zohr-Maroc)
Lahsen ABOUMOUNIR (FLASH, CUAM, Université Ibn Zohr-Maroc)
Lahoucine BOUYAAKOUBI (FLASH, CUAM, Université Ibn Zohr-Maroc)
Marie-Anne CHÂTEAUREYNAUD (Université de Bordeaux - France)
Maryeme OUCHEN (FLASH, CUAM, Université Ibn Zohr-Maroc)
Rachid JADAL (FLASH, CUAM, Université Ibn Zohr-Maroc)
Saffa OUFASKA (ESEF, Université Sultan Moulay Slimane – Maroc/LACNAD, INALCO- France)
Sylvain CHABAUD (Université Paul-Valéry, Montpellier - France)
Tijani SAADANI (EST, Université Sultan Moulay Slimane – Maroc)
Tilila MOUNTASSER (FLASH, CUAM, Université Ibn Zohr-Maroc)
Zahra TAIFOUR (FLASH, Université Ibn Zohr - Maroc).
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Calendrier et Informations pratiques :
● Date limite de soumission des propositions de communication : 15 juin 2025
● Notification d’acceptation : 15 juillet 2025
● Publication du programme final : début octobre 2025
● Durée des communications : 20 minutes
● Langues de travail du colloque : occitan, amazigh, français, arabe, anglais et espagnol. Les communications qui devront être présentées dans des langues autres que le français ou l’anglais doivent être accompagnées de diaporamas reprenant l’essentiel dans l’une de ces deux langues.
● Lieu : Université Ibn Zohr, Facultés des Langues, des Arts et des Sciences Humaines Ait Melloul (Agadir – Maroc)
● Envoi des textes de communication : 4 octobre 2025
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Soumission des propositions :
Les propositions de communication devront contenir les informations suivantes :
- Titre de la communication
- Nom et prénom de l’auteur(e)
- Affiliation institutionnelle
- Résumé de la communication (300 mots)
- Mots-clés (3-5 mots)
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Les propositions de communication devront être accompagnées d’une brève biobibliographie et envoyées à l’adresse électronique suivante : coll.occitan.amazigh@gmail.com ou déposées sur le site : https://occitanamazigh.sciencesconf.org/
La publication des actes du colloque est envisagée dans la revue Plumas (en version électronique) en 2026.
La version papier est aussi prévue.