La violence n’est pas un phénomène homogène et simple à déconstruire. Elle est contextuelle, complexe et dépend d’un ensemble de conditions à la fois subjectives et objectives. Cette notion « revêt avant tout un caractère relatif, elle dépend des codes sociaux, juridiques et politiques des époques et des lieux où elle prend sens. Elle est « la désorganisation brutale ou continue d'un système personnel, collectif ou social se traduisant par une perte d'intégrité qui peut être physique, psychique ou matérielle. » (Legrand, Debarbieux, 1998) et qualifiée d’« épidémie » (ONU femmes, 2019) ou de « guerre contre les femmes » (Ségato, 2016). Elle est par nature instrumentale et « a toujours besoin d’un guide et d’une justification pour atteindre le but qu’elle poursuit. » (Arendt, 1972).
Les violences de genre s’inscrivent dans cette dimension conceptuelle de la violence en désignant toute forme de violence perpétrée contre la volonté d’une personne et qui a un impact négatif sur l’identité de la personne et étant l’effet des inégalités de pouvoir basées sur le genre entre les hommes et les femmes. Elles impliquent la notion de sexisme désignant « l’ensemble des comportements individuels et/ou collectifs qui perpétuent et légitiment la domination des hommes sur les femmes en s’appuyant sur des stéréotypes pour perpétuer des rôles et attitudes genrés. » (Genin, 2017 : 9)
Les violences de genre sont devenues un phénomène préoccupant et se manifestent sous plusieurs formes à savoir le viol, le chantage, les menaces, le harcèlement, les injures, les humiliations, les agressions verbales et non verbales.
Des études ont montré ainsi que les violences s’inscrivent dans la durée (Lebugle, Dupuis, 2018), et que les violences de genre sont plurielles et ne peuvent être appréhendées en dehors de leur contexte structurel, social et culturel. Ces violences, qu’elles soient physiques, psychologiques ou sexuelles, « ont des conséquences néfastes aussi bien sur la performance de l’individu que celle de la société entière. Elles créent un sentiment d’insécurité, de méfiance et de peur et portent atteinte à l’évolution d’une société. A titre d’exemple, d’après l’enquête Virage (2018), deux grands types de violences subies dans le cadre des études universitaires sont dénoncés à savoir les violences psychologiques et les violences à caractère sexuel.
Ainsi même l’université, haut lieu du savoir, est soumise aux dynamiques des violences de genre entravant ainsi l’évolution académique des étudiants, des enseignants et des agents qui forment cette communauté. Par définition, l’université est un milieu de formation et de circulation des élites. Elle constitue un espace d’apprentissage et la société lui confie la charge pédagogique et éthique pour une bonne intégration sociale. Néanmoins, durant les dernières années, plusieurs universités marocaines ont été la scène d’actes de violences de genre et « au regard de la récurrence de ce phénomène, le rôle de l’université se trouve interrogé. » (Zerhouni, 2018).
La violence constitue au Maroc une norme sociale s’inscrivant dans un ordre des choses, une doxa intériorisée et véhiculée par différentes institutions (famille, milieu social, école, religion, médias etc.), malgré la mise sur pied en 2002 d’une Stratégie nationale de lutte contre la violence à l’égard des femmes. Le taux de prévalence de la violence à l’encontre des femmes est de 56,5 % en 2019 selon l’étude du HCP (2021) et demeure très important par rapport à celui de 2009 qui s’élevait à 62,8 %). Les statistiques disponibles démontrent que la violence constitue un problème particulièrement répandu et reflètent un ordre sexiste auquel aucun pays du monde n’échappe vraiment (OMS 2021).
Comment expliquer la persistance de la violence alors que les féministes, notamment marocaines, s’activent, depuis un demi-siècle de luttes, pour revendiquer l’égalité des genres, et ce en dépit des réformes juridiques visant à lutter contre toutes les formes de violence ?
Dans ce contexte, le colloque international « Violences de genre : les comprendre, les contrer » a pour objectif d'offrir un état des connaissances quant à la problématique des violences de genre, d’explorer les formes, les contextes et les conséquences des violences de genre quel que soit le milieu, de comprendre les mécanismes sous-jacents de ce phénomène, et saisir comment il entrave l’évolution d’une société et constitue un handicap majeur à son épanouissement et son développement.
Ce colloque fournit l’occasion de présenter des études et des recherches sur les violences, d’actualiser et d’approfondir la connaissance statistique des violences de genre au Maroc et dans d’autres pays. Il invite les chercheur-e-s de tous les horizons à l’appréhender dans une perspective à la fois interdisciplinaire et transdisciplinaire. Il s’agit de dresser un état des lieux des tendances évolutives de la violence de genre et de traiter de la prévalence et de l’incidence des violences de genre sur la société.
AXES THEMATIQUES
Les propositions de communication examineront le processus de construction et déconstruction des violences de genre et reconstruction des rapports femmes/hommes. Elles tenteront de présenter des éléments de réponse aux questions suivantes : • En quoi le débat autour des violences de genre est-il devenu un enjeu collectif ?
• Comment un environnement (familial, professionnel, scolaire, etc.) et les violences de genre qui y sont vécues et générées est-il devenu un objet d’étude ?
• Comment ces environnements sont générateurs de la violence alors qu’ils semblent outillés à les appréhender et les combattre ?
• Quelles sont les manifestations et les causes des violences de genre ?
• Comment expliquer l’origine sociale et culturelle des violences de genre ?
• Comment les différentes formes de violences de genre prennent-elles place dans des espaces apparemment sécurisés ?
• Quelles sont les formes de résistance aux violences de genre ?
Comment les responsables entrevoient-ils les actes explicites ou implicites de violences?
• Quelle est la réponse nationale à tous les niveaux d’intervention (politique, juridique, programmatique, etc.,) à la question des violences de genre ?
• Quels sont les actes de régulation des formes de violences de genre ?
Les communications proposées pourront s’inscrire dans l’un des axes suivants :
➢ Axe 1 : « Le processus de construction des violences de genre »
➢ Axe 2 : « Représentations sociales, stéréotypes et préjugés sur les violences de genre »
➢ Axe 3 : « Formes de gestion des violences de genre »
➢ Axe 4 : « Réponses institutionnelles et médiatiques face aux actes de violences de genre»
➢ Axe 5 : « Actes de régulation des formes de violences de genre : régulation et formes de jurisprudences »
➢ Axe 6 : « Perspectives d’agir et reformes à opérer pour la lutte contre les violences de genre »
➢ Axe 7 : « Représentation des violences de genre dans les domaines littéraires et artistiques »
Langues du colloque : Arabe, Français, Anglais.
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BIBLIOGRAPHIE
1. ARCHER Evry (dir) (1998), Agressions sexuelles, Victimes et auteurs, Paris, L’Harmattan .
2. ARENDT Hannah (1972), Sur la violence, in Du mensonge à la violence, trad. G. Durand, Paris, Calmann-Lévy
3. BONNEMAIN Christiane (1987), La violence familiale, Paris, CNRS
4. BOUKLAH Mohammed ((2019), Violence en milieu universitaire : prise en charge et réponse éducative, Massalek Atarbiya wa Atakwine., Volume 2, N 2 L98-105
5. BOURDIEU Pierre (1998), La domination masculine, Paris, Le Seuil
6. DEBARBIEUX, Eric (1998), « La violence en milieu scolaire : 1. État des lieux », Paris, ESFDES FORTS 7. Jacqueline (2001), Violences et corps des femmes du tiers- monde, Paris, l’Harmattan
8. GENIN Laetitia (2017), Le sexisme dans l’espace public, étude réalisée par le mouvement féministe d'action interculturelle et sociale « Vie Féminine », avec le soutien de Fédération Wallonie-Bruxelles, Bruxelles
9. Haut-Commissariat au Plan (2021), La femme marocaine en chiffres
10. LEBUGLE Amandine, DUPUIS Justine et l’équipe de l’enquête Virage (2018), Les violences subies dans le cadre des études universitaires, Paris, INED, Document de travail, 245.
11. LACOSTE-DUJARDIN Camille (1996), Des mères contre les femmes, maternité et patriarcat au Maghreb, Paris, La Découverte 12. LEGRAND Louis, Debarbieux Eric (1998), La violence en milieu scolaire. 1. État des lieux. In: Revue française de pédagogie, volume 123, La violence à l'école : approches européennes. pp. 170-172.
13. LIEBER Marylène (2008) Genre, violence et espaces publics, Paris, Presses de Sciences-Po
14. MACÉ Eric (2015), L’Après-patriarcat, Paris , Le Seuil
15. MADANI Mohammed (2016), « La violence dans les universités marocaines s’est banalisée», Entretien par Nadia Lamlili le 26 mai 2016. URL: http://www.jeuneafrique.com/328679/politique/mohamed-madani-violenceuniversites-marocaines-sest-banalisee/
16. OMS (2021), Violence à l’encontre des femmes, 9 mars, www.who.int/fr/
17. SEGATO Rita Laura (2016), La guerre aux femmes, Paris, Payot
18. Violences de genre et résistances. Points de vue du sud (2021), « Alternatives sud », vol. 28
19. ZERHOUNI Saloua (2018), Violences en milieu universitaire au Maroc : Les limites de la répression face à une violence multiforme, Rabat Social Studies Institute URL: http://www.rssi-rabat.ma/wp-content/uploads/2019/01/Violence-en-milieu-Universitaire-au-Maroc.pdf
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REGLES DE SOUMISSION
Les résumés des propositions de communication peuvent être envoyés en Arabe, Français et en Anglais. Ils ne doivent pas dépasser 500 mots.
Les propositions doivent intégrer les éléments suivants : Titre, Nom, Statut, Institution, Email, Axe de la communication, Résumé (500 mots MAX), Mots clés, Biographie & bibliographie.
Les communications sont à envoyer en format Word à : Colloqueviolence2023@gmail.com
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COMITE D’ORGANISATION
-MAWHOUB Mourad, Doyen de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines Aïn Chock
-NADIFI Rajaa, Directrice du Laboratoire GELM, Faculté des Lettres et des Sciences Humaines Aïn Chock
-TAOUKI Saadia, Membre du Laboratoire GELM/ Présidente du CEG- Maroc
-IRAQI Rhita, Membre du CEG-Maroc, Faculté des Lettres et des Sciences Humaines Aïn Chock
-Doctorant.e.s du Laboratoire GELM
-Membres du CEG-Maroc
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CALENDRIER
• Date limite d’envoi des résumés de communications : 30 NOVEMBRE 2022
• Date limite de réponse du comité scientifique : 15 DECEMBRE 2022
• Date du colloque : 27 et 28 AVRIL 2023.