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Enseigner la manière. Les traités techniques de danse (1700-1750). À l’occasion du troisième centenaire de la parution du Maître à danser de Pierre Rameau (1725)

Enseigner la manière. Les traités techniques de danse (1700-1750). À l’occasion du troisième centenaire de la parution du Maître à danser de Pierre Rameau (1725)

Publié le par Marc Escola (Source : Marie Demeilliez)

Colloque international à l’occasion du troisième centenaire de la parution du Maître à danser de Pierre Rameau (1725)

« Enseigner la manière » - Les traités techniques de danse (1700-1750)

11 et 12 décembre 2025 

Paris, Bibliothèque musicale La Grange-Fleuret

L’année 2025 verra le tricentenaire de la publication d’un ouvrage majeur pour la connaissance de la danse du XVIIIe siècle : Le maître à danser. Qui enseigne la manière de faire tous les différens pas de danse dans toute la régularité de l’art, & de conduire les bras à chaque pas, de Pierre Rameau (1674-1748). Ce dernier publie également à la même époque son Abbregé de la nouvelle methode, dans l’art d’ecrire ou de traçer toutes sortes de danses de ville. Le Maître à danser connut une diffusion importante, réédité plusieurs fois jusqu’en 1748, traduit en anglais en 1728 par John Essex et adapté en espagnol par Ferriol. Il eut une grande influence sur de nombreuses publications ultérieures, en France et à l’étranger, qu’il s’agisse de traités sur la technique française ou d’articles sur la danse dans les encyclopédies et les dictionnaires. Il est aujourd’hui considéré comme l’une des sources centrales pour l’essor de la danse baroque. 

L’anniversaire de cette publication nous convie à revenir sur l’histoire et le contenu du Maître à danser, mais plus encore sur les enjeux de son élaboration en son temps, en le situant plus généralement dans l’histoire des traités à visée technique sur la danse dans la première moitié du XVIIIe siècle. Il s’agit aussi de faire le point sur les pratiques dont il porte la trace, à la lumière des dernières recherches. L’objectif de ce colloque est donc double : mieux cerner la portée de l’ouvrage au XVIIIe siècle, et ses effets sur les pratiques actuelles de la danse ancienne.

Un premier axe du colloque portera sur le contexte historique et social du Maître à danser. Les principaux jalons de la vie et de la carrière de Pierre Rameau, actif à Lyon, à Strasbourg et à Paris, ainsi que les aspects prosopographiques, ont déjà été scrutés, mais il reste à mieux connaître sa pratique de maître à danser, ses élèves, les contextes de son enseignement. L’étude des exemplaires conservés dans les principales bibliothèques, mais aussi l’analyse du projet didactique déployé par Rameau dans ses traités permettent de renouveler et d’approfondir différents questionnements : qui furent les lecteurs et surtout les utilisateurs des ouvrages de Pierre Rameau ? Dans quels contextes pédagogiques furent-ils utilisés ? Que pouvaient apporter les textes et les images des traités de Rameau à la pratique des danseurs et des honnêtes gens du XVIIIe siècle ? L’apprentissage des bonnes manières et de la civilité, qui occupe plusieurs chapitres de l’ouvrage, mérite d’être approfondi et mis en regard avec d’autres sources, afin de mieux comprendre ses modalités d’application.

Un deuxième axe du colloque s’intéressera à l’exposition de la technique par Pierre Rameau. Si les dimensions morales, apologétiques, génériques ou esthétiques des traités de danse ont fait l’objet de plusieurs études, c’est moins le cas pour ce qui constitue leur spécificité : un texte orienté vers la description ou la prescription du mouvement dansé. Dans cet objet insaisissable, c’est la combinaison complexe et instantanée d’éléments hétérogènes (espace, temps, énergie, poids…) qu’il faut saisir. Selon quels procédés et par quels moyens, le mouvement, son continuum et la synthèse qu’il opère entre ses paramètres sont-ils consignés, organisés, réglés, réduits ou au contraire surdéterminés ? En quoi consiste la production d’un texte chorégraphique technique, une mise en mot d’actions mais aussi d’intentions et de qualités ? En quoi cela témoigne-t-il d’une approche globale, systématique, de la danse et de sa transmission ? Dans quelle mesure le choix d’une méthode, d’une “manière d’enseigner la danse” est-elle révélatrice d’une analyse, d’une compréhension voire d’une pensée du mouvement ? Quels liens peut-on établir avec les systèmes contemporains de notation de la danse ? Quelles connaissances musicales manifestent ces enseignements, et quels sont leurs rapports avec les pratiques, les théories et les répertoires musicaux qui leur sont contemporains ? Quels critères président aux choix d’exemples musicaux et chorégraphiques ? Comment les traités témoignent-ils de perceptions historiques ou particulières du corps, de l’espace et du temps, ainsi que des savoirs anatomiques, physiques et physiologiques, géométriques, et plus généralement des courants de pensée du premier XVIIIe siècle ? Autre point essentiel pour la compréhension de ce type de source : quels sont les sous-entendus et les non-dits d’un traité technique, qui peut passer sous silence ce que tout le monde sait ou voit à l’époque ? Comment exhumer ces implicites, ces évidences de pratiques oubliées ? Plus généralement, quelles conceptions de la danse véhiculent les textes techniques, en relation notamment à sa fonction, à ce que danser veut dire dans une culture du corps qui soutient une représentation de soi ? En quoi le traité technique est-il porteur de normes mais aussi d’innovations, et comment peut-il proposer, au-delà d’objets définis, des processus de composition, et des latitudes d’interprétation ? 

Un troisième axe replacera la démarche de Rameau dans un ensemble plus vaste, celui d’une production nouvelle d’ouvrages dédiés à la pratique de la danse dans tout l’espace européen, sous forme de notations, mais plus encore de traités consacrés à l’exécution des danses de bal, et plus particulièrement des “danses de ville”, avant que les traités ne basculent au milieu du XVIIIe siècle dans une focalisation sur le menuet et les contredanses. La plupart des sources allemandes, notamment les écrits de Behr (1703, 1709 et 1713), Bonnefond (1705), Bonin (1712), Taubert (1717), sont antérieures à 1725, mais plusieurs publications aux Pays-Bas (Sol, 1725), en Angleterre (Tomlinson, 1735), en Italie (Dufort (1728) ou en Espagne (Ferriol, 1745) offrent après Rameau de nouveaux modèles d’explicitation ou d’illustration des pas voire des bras. Plusieurs pistes pourront être explorées : les influences du Maître à danser sur l’écriture d’autres traités de danse ; plus généralement les différentes formes que prennent les traités européens, leurs particularismes, leurs motivations, leurs contextes, leurs publics, etc. Comment interpréter ces spécificités : en quoi ces traités constituent-ils un apport singulier à l’élaboration d’un style, national ou non ? Quelles filiations et parentés peut-on discerner entre différents enseignements ? Des comparaisons sur des points techniques pourront s’avérer cruciales pour repérer les constantes, les variantes, les écarts, les systèmes, les adaptations, en questionnant la manière dont les circulations, les influences, les transferts et les appropriations ont transformé la danse d’origine française en un style européen plus ou moins homogène. Le choix des répertoires musicaux et chorégraphiques utilisés comme exemples pédagogiques, autant que leur circulation, pourront aussi donner lieu à des comparaisons.  

Un quatrième axe reprendra l’histoire de la réception des ouvrages de Pierre Rameau, pour évaluer comment la publication de ces livres a pu faire date dans l’histoire plus générale de la danse, sa transmission, son inscription sociale et ses institutions. Le Maître à Danser est plusieurs fois réédité et présent dans de nombreuses bibliothèques, et certains de ses énoncés sont parfois repris textuellement dans des publications ultérieures, notamment l’Encyclopédie de Diderot, d’Alembert et Jaucourt (1751-1772) ou encore le Dictionnaire de la danse de Compan (1787). Cette dissémination donne lieu à des simplifications, des adaptations, de nouvelles combinaisons. On pourra ici mener une recherche plus exhaustive de ces citations dans d’autres sources, et en déterminer les contextes, les stratégies, en s’attachant à observer comment une conservation des descriptions techniques correspond ou non à la permanence ou l’évolution des pratiques à la même époque. La réception de l’Abbrégé permettra d’aborder la polémique déclenchée par le maître à danser Hardouin au sujet des changements apportés à la notation fixée par Feuillet en 1700, afin de cerner les enjeux de cette querelle, autant que l’implication et le rôle de l’Académie royale de Danse. Cette polémique contribue à éclairer aussi la position de Rameau vis-à-vis de son lectorat comme de ses collègues. Enfin, sa réédition très tardive des “danses de ville”, dans son nouveau système de notation, invite à s’interroger sur la permanence de ce répertoire spécifique, au-delà des publications annuelles auquel il est lié. De fait, la publication de notations de ces danses de bal figurées s’interrompt également en 1725. 

Un cinquième et dernier axe du colloque portera sur les appropriations actuelles du Maître à danser, depuis ses premiers (re)lecteurs du XXe siècle jusqu’aux analyses des chorégraphes et danseurs engagés à ce jour dans les pratiques de restitution de la danse ancienne de bal et de théâtre. Comment définir et élaborer notre lecture des textes techniques anciens ? Comment appuyer la remise en acte sur une contextualisation des formulations, sur une histoire du vocabulaire, sur un repérage des implicites ? Dans quelle mesure la réinterprétation en acte des traités doit-elle être accompagnée de réécritures, d’adaptations des énoncés pour la transmission, d’expérimentations de solutions variées, nouvelles, d’allers-retours entre texte et action ? Comment la lecture de Pierre Rameau concourt-elle à une manière de remettre en mouvement, à une technique actuelle, et à un sens restitué des pratiques ?

Un colloque de deux jours (11-12 décembre 2025) sera accueilli à la Bibliothèque musicale La Grange-Fleuret (Paris), centré sur les communications scientifiques

Une demi-journée sera également consacrée à une table ronde sur la danse baroque aujourd’hui, et à des présentations dansées du répertoire noté ou mentionné par Pierre Rameau – notamment en collaboration avec la Fédération française des professionnels en danse ancienne (Association Pro DA).

Modalités de contribution

Les propositions de communication comprendront un maximum de 500 mots. Celles-ci devront joindre le titre de la communication, et une brève notice bio-bibliographique précisant l’institution d’attache.  Merci de préciser si la présentation aura besoin d’un espace pratique.

Les propositions devront être envoyées avant le 30 avril 2025 aux adresses suivantes : 

marie.demeilliez@univ-grenoble-alpes.fr

laura.naudeix@univ-rennes2.fr

Une réponse sera donnée aux participant·e·s sélectionné·e·s à la fin du mois de juin.

Les organisateurs prévoient la prise en charge des repas, et pourront éventuellement étudier la prise en charge des frais de déplacement et d’hébergement, au cas par cas.

Comité d'organisation

Marie Demeilliez (Université Grenoble Alpes - IUF)

Irène Feste (Cie Danses au Passé)

Irène Ginger (Acras et Association Pro DA)

Hubert Hazebroucq (Cie Les Corps éloquents- Schola Cantorum de Bâle)

Laura Naudeix (Université Rennes 2)

Thomas Vernet (Fondation Royaumont - Bibliothèque musicale La Grange-Fleuret)

Comité scientifique

Marie Demeilliez (Université Grenoble Alpes - IUF)

Marie Glon (Université de Lille)

Hubert Hazebroucq (Cie Les Corps éloquents- Schola Cantorum de Bâle)

Jean-Noël Laurenti (Centre d’Etudes Supérieures de la Renaissance)

Raphaëlle Legrand (Sorbonne Université)

Marie-Thérèse Mourey (Sorbonne Université)

Laura Naudeix (Université Rennes 2)

Partenaires

ACRAS (Association pour un Centre de Recherche sur les Arts du spectacle aux XVIIe et XVIIIe siècles)

APP (Arts, Pratiques et Poétiques) - Université Rennes 2 

Association Pro DA (Fédération française des professionnels en Danse Ancienne)

Bibliothèque musicale La Grange-Fleuret - Fondation Royaumont 

Dance & History Verein  

Institut Universitaire de France  

LUHCIE (Laboratoire Universitaire Histoire Cultures Italie Europe) - Université Grenoble Alpes