Acta fabula
ISSN 2115-8037

DOSSIER CRITIQUE n°81

2024Novembre 2024 (volume 25, numéro 10)
titre du numéro

Voir en peinture

Dir. Zoé Monti et Lucie Garrigues

La floraison de publications récentes traitant de l’image, plus particulièrement de la peinture, est à l’origine de ce dossier critique. Dans des ouvrages relevant de genres et de domaines variés, les liens entre l’écrit et l’image, la littérature et la peinture, sont interrogés, pensés, théorisés, médités et s’incarnent enfin très concrètement à travers le récit de voyage ou l’illustration.

Deux publications sur Paul Cézanne ouvrent la réflexion et croisent des regards différents sur le peintre et son œuvre. Alors que Le Doute de Cézanne, célèbre texte dans lequel Maurice Merleau-Ponty approchait le peintre aixois au prisme de la phénoménologie, est réédité (Gallimard, 2023), la romancière Marie-Hélène Lafon lui consacre un récit à la lisière des genres, intitulé Cézanne. Des toits rouges sur la mer bleue, paru chez Flammarion (2023). Un entretien avec l’autrice éclaire son rapport singulier à la peinture ainsi que la manière dont cet art nourrit son écriture et sa pratique littéraire. Nous signalons que deux autres ouvrages, parus tous deux en 2023, auraient proposé un autre éclairage sur l’œuvre de Cézanne : Cézanne de Charles Juliet ainsi que Cézanne 1906.  La Terre promise, de Jean-Charles Hachet et François Bernard Michel, qui revient sur la dernière année de la vie du peintre.

L’écriture de la peinture par des auteurs de littérature est ainsi au cœur de l’actualité des parutions. Si la publication des textes de Raymond Queneau en un recueil intitulé Écrits sur la peinture rend compte de la réception originale et singulière que fait l’écrivain de la peinture, c’est Baudelaire comme critique d’art qui est au centre de l’ouvrage de Julien Zanetta, L’Hôpital de la peinture. Baudelaire, la critique d’art et son lexique. Quant à elle, Nathalie Kremer dans Tableaux fantômes pense l’écriture fictionnelle à travers un motif particulier : la destruction des œuvres d’art et leur écriture en littérature.

Alors que viennent d’être publiés pour la première fois les cours consacrés à la peinture et donnés par Gilles Deleuze à l’université de Saint-Denis en 1981, l’importance du discours théorique sur la peinture ne se dément pas. Jérôme Thélot formule, dans son nouvel essai L’Époque de la peinture, l’utopie d’un lieu et d’un temps où la peinture sauverait le monde. On pourrait ajouter à ces parutions récentes deux essais de Laurent Jenny publiés ces dernières années : Le Désir de voir (2020) et La Folie de voir (2023). Le premier constitue une initiation au regard pictural tandis que le second prolonge la théorie par l’analyse précise de plusieurs œuvres picturales et photographiques.

Chacun à sa manière, Martine Reid, dans Ravissement. Sur un tableau du Caravage, et Julien Zanetta, dans À proportion. Eugène Delacroix et la mesure de l’homme, méditent à partir d’un peintre et de son œuvre. Pour Martine Reid, c’est la contemplation d’un tableau du Caravage, Le Repos pendant la fuite en Égypte, à Rome qui déclenche un récit en forme de rêverie sur l’œuvre du peintre et la création. Julien Zanetta se penche, quant à lui, sur une phrase de Delacroix qui fait naître en lui une réflexion sur le « petit monde » et sur l’héritage considérable du peintre chez des artistes comme des penseurs.

Enfin, les phénomènes d’influence, d’apports et d’échanges mutuels entre la littérature et la peinture sont abordés à travers deux pratiques artistiques : le récit de voyage et l’illustration. La parution du Voyage au Maroc de Nicolas de Staël permet de donner à lire des écrits du peintre sur ses voyages et découvertes qui joueront un rôle majeur dans son œuvre. C’est l’illustration qui permet de marquer le passage de l’écrit à l’image pour Miquel Barceló, peintre qui a illustré les trois volumes de la Divine Comédie éditée chez Actes Sud. Signalons aussi la parution récente des Poésies d’Emily Dickinson illustrées par la peinture moderniste d’artistes comme Edward Hopper ou Georgia O’Keeffe, aux éditions Diane de Selliers. Contrairement aux volumes de Dante, les tableaux ne sont pas ici créés spécifiquement pour illustrer l’œuvre littéraire en question, permettant plutôt un jeu d’échos entre plusieurs œuvres d’une même époque mais de deux médias différents.

© Salvador Dali

Autour d'un peintre : Cézanne

De l'écrit à l'image

  • Esther Godreuil

    La Comédie de Miquel Barceló : voyage dans l’imagination

    sur : Miquel Barceló, La Divine Comédie. Enfer. Dante Alighieri, trad. Danièle Robert, Paris, Actes Sud, 2021, 176 p., EAN 9782330157463.Miquel Barceló, La Divine Comédie. Purgatoire. Dante Alighieri, trad. Danièle Robert, Paris, Actes Sud, 2022, 176 p., EAN 9782330171544.Miquel Barceló, La Divine Comédie. Paradis. Dante Alighieri, trad. Danièle Robert, Paris, Actes Sud, 2023, 184 p., EAN 9782330173104.