éditoriaux

Anthropologie et littérature

Anthropologie et littérature

Comment entendre la parole de l’autre ? Comment la faire entendre ? L’anthropologie, en France, ne s’est pas construite dans un dialogue avec la parole "indigène". Elle a réifié un discours, certes suscité et recueilli, mais réduit à la fonction de document à compléter (il est source) ou à interpréter (il est signe). Catégorie coloniale ou notion théorique, l’"indigène" est dans tous les cas objet de discours et non sujet d’énonciation. Dans La Source et le Signe, sous-titré Anthropologie, littérature et parole indigène (Seuil), Vincent Debaene brosse l'histoire de la discipline en France pour se pencher sur les ambivalences des discours qui prétendent accueillir ou étudier la parole de l’autre. Il scrute l’héritage colonial de l’anthropologie et les possibilités de s’en déprendre. Sur la base d’un corpus de textes africains et malgaches, jadis désigné comme "littérature indigène d’expression française", il montre comment s’est instituée une hiérarchie entre écriture dominée et lecture dominante. Il montre surtout comment des auteurs ont, bien avant les indépendances, inventé des formes, littéraires et savantes, pour forcer la possibilité d’un dialogue et faire entendre leurs voix. Fabula vous invite à parcourir le sommaire et à lire un extrait de l'ouvrage…

La publication coincide avec l'exposition au Musée du Quai Branly à Paris d'une exposition consacrée aux méthodes de la mission ethnographique et linguistique Dakar-Djibouti, qui traversa en 1931 quatorze pays africains, sous la conduite de l'ethnologue français Marcel Griaule, et dont Michel Leiris a consigné le parcours dans L'Afrique fantôme.

Fabula a déjà salué la récente livraison de la revue Gradhiva éditée par la même institution : "Archives, écriture, fiction. Dans les pas de Jean Jamin", supervisée par Julien Bondaz, Michèle Coquet, Vincent Debaene, Éric Jolly et Marianne Lemaire, qui éclairait l’épistémologie de l'ethnographie à travers la question de l’écriture du terrain mais aussi les rapports qu’elle entretient à la fiction et aux arts.

Rappelons qu'on peut lire dans Acta fabula un compte rendu du précédent essai de Vincent Debaene, L'Adieu au voyage. L'ethnologie française entre science et littérature (Gallimard), dans un dossier critique consacré au "partage des disciplines" apparié au numéro de Fabula-LHT sur le même sujet : "Mœurs & coutumes des ethnologues français : histoire d’un voyage fait dans l’écriture du terrain" par Odile Gannier. Mais aussi la manière de postface donnée par l'auteur à ce livre dans le numéro d'Acta fabula "Dix ans de théorie" (2018) : "Adieux à l'Adieu"…

(Illustr. : Funérailles dogon. Ronde des deuilleurs aux funérailles d’une vieille femme. Village de Sanga, Mali, mission Dakar-Djibouti, 2 octobre 1931. Photo Marcel Griaule. ©Musée du Quai Branly, Paris)

Le sang et le sens

Le sang et le sens

Lire en avant : les Sonnets de l'Arioste

Lire en avant : les Sonnets de l'Arioste

Le public francophone ne connaît (au mieux) de l’Arioste (1474-1533) que son Roland furieux qui fut une référence constante pour les écrivains du XVIe au XVIIIe s. (au moins). Frédéric Tinguely donne dans la collection "Terra d'altri" des éditions Verdier la première traduction française (et une édition bilingue) de ses Sonnets, dont Italo Calvino louait l’énergie,"l’élan en avant". Ces sonnets sont pleins d’allant et c’est sans doute pourquoi les poètes comme Du Bellay et Ronsard y puisèrent leur inspiration. F. Tinguely en fait la promesse : "Les amoureux de l’amour reconnaîtront une voix originale dans ces poèmes du corps et du désir ; les amoureux de l’Italie rêveront à la cour de Ferrare ; les amoureux du sonnet goûteront la technique d’un poète aux ouvrages ciselés. Quant aux amoureux des lettres, ils ne seront pas mécontents de rencontrer une œuvre portée par tant de délicatesse et tant de goût. Entrer dans les sonnets de l’Arioste, c’est faire l’expérience d’une densité qui invite à tirer le meilleur de soi." Fabula vous offre de découvrir le sonnet 13…

Imaginaires de la prostitution

Imaginaires de la prostitution

 "Il n’y a décidément de vrai que le bordel ; c’est au moins terminé après", déclarait Huysmans avec plus d'ironie que de cynisme peut-être. Toute une littérature s’est pourtant tissée pourtant pour mettre en en scène différentes formes de dépassements fantasmatiques dans la relation prostitutionnelle. Dans Le Désastre de la rencontre. Imaginaires de l'échange prostitutionnel (P.U. Montréal), Léonore Brassard analyse la façon dont, depuis le XIXe siècle, la littérature éclaire ces désastreuses rencontres inventées sous le contrat. Comment la prostitution en vient-elle à être à la fois la représentation par excellence de la relation capitaliste – lui qui, réifiant le monde, permet aussi de se "libérer des embarras imaginaires de l’échange" –, tout en pointant, dans certaines lignes de fuites, les hiatus que ce même contrat porte en lui ? Fabula vous propose de feuilleter l'ouvrage… 

Rappelons la livraison que la Revue Flaubert avait consacré au “mythe perdu de la prostitution", à l'inititative d'Éléonore Reverzy, mais aussi les comptes rendus proposés dans Acta fabula de l'essai de Marjorie Rousseau-Minier, Des filles sans joie : le roman de la prostituée dans la seconde moitié du XIXe s. : "Splendeurs & misères du roman de fille : les romanciers & la prostitution dans le second XIXe siècle européen", par Arnaud Verret ; et du livre de Dominique Lagorgette, Pute. Histoire d’un mot et d’un stigmate : Pute : la lexicographie pour ouvrir le débat, par Cornille Denoyelle.

(Illustr. : Salon de la rue des Moulins par Henri de Toulouse-Lautrec, 1894 ©Musée Toulouse-Lautrec d'Albi)

Hériter de Joseph Conrad

Hériter de Joseph Conrad

Le tableau du pauvre

Le tableau du pauvre

Diamétralement modernes

Diamétralement modernes

"L’Amérique latine a produit de grands poètes de langue française", écrivait Aragon en 1936. Émilien Sermier vient nous le rappeler dans son nouvel essai, Diamétralement modernes consacré aux Poètes francophones d'Amérique latine (Les Impressions nouvelles). Déployant une histoire qui mène de Lautréamont et de Laforgue jusqu’à des poètes et des poétesses contemporaines, il revisite surtout la période des avant-gardes de la première moitié du XXe siècle. Il remet au premier plan les trajectoires de Jules Supervielle et de Robert Ganzo, mais aussi celles de poètes translingues comme l’Équatorien Alfredo Gangotena, le Chilien Vicente Huidobro, le surréaliste péruvien César Moro, l’Argentine Gloria Alcorta ou encore le moderniste brésilien Sérgio Milliet. Autant d’écrivains qui ont choisi le français comme langue d’expérimentation poétique, et dont les parcours transatlantiques permettent de mesurer ce que toutes ces œuvres singulières auront pu faire au poème de langue française. Fabula vous invite à lire un extrait de l'ouvrage et à parcourir le sommaire sur le site de l'éditeur… Deux éditions accompagnent l'enquête d'Émilien Sermier : Horizon carré, et autres poèmes français du Chilien Vicente Huidobro (1893-1948), et Orogénie et autres poèmes français de l’Équatorien Alfredo Gangotena (1904-1944) aux bien nommées éditions L'Oncle d'Amérique. Rappelons le précédent essai d'Émilien Sermier : Une Saison dans le roman. Explorations modernistes : d'Apollinaire à Supervielle, 1917-1930 (Corti), dont on peut lire un compte rendu dans Acta fabula : "À rebours de l’historiographie conventionnelle : comment faire place au roman moderniste ?" par Maxime Deblander.

Lire aussi les éditos de la rubrique Questions de société…

Et les éditos de la rubrique Web littéraire…

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